Tout
près du sol
de
Carole
Laure
|
|
|
|
Rachel est une adolescente qui a de l’énergie et pas
mal de rage. Elle l’exerce surtout envers sa mère à
qui elle reproche notamment de vivre sous la dépendance
de son compagnon. Des années auparavant, Rachel a dû
choisir entre son père et sa mère. Un choix difficile
qu’elle veut (se) faire payer. Alors pour apaiser son
mal-être, Rachel quitte la maison et touche un peu à
la drogue. Un de ses endroits de prédilection se situe
juste en face de la prison pour femmes. Une étude a
d’ailleurs prouvé que les jeunes en déshérence
affectionnent la présence des murs institutionnels
comme métaphore de protection.
A
l’intérieur de cette prison, se trouve Jeanne, prof
de danse, idiotement incarcérée pour avoir défendu
une voisine maltraitée par son mari et avoir
accidentellement provoqué la chute et la paralysie de
celui-ci.
Lorsque
Jeanne sort de prison, Rachel se trouve en face et se décide
à la suivre, à pied puis en bus jusqu’ à un motel
tenu par Steven, un ancien petit ami de Jeanne toujours
amoureux.
Entre
l’une qui recherche inconsciemment un équilibre et un
substitut de mère (ou d’autorité) et l’autre en
fort désir d’enfant, il est évident que le
rapprochement est possible. Lequel va avoir lieu et se développer
par le biais de la danse. D’abord spectatrice, Rachel
prend goût aux répétitions comme discipline et
planche de salut.
Hormis deux personnages principaux bien campés, l’intérêt
du second film de la canadienne Carole Laure est
de prendre racine dans un univers qu’elle connaît très
bien : celui de la danse. En effet, cette actrice
reconvertie dans les années 90 à la musique a été
aussi une artiste de scène dans les spectacles de Lewis
Furey. De plus, sa propre fille Clara Furey,
qui interprète Rachel, est une danseuse.
Se
défendant d’avoir été écrasée par le rapport mère-fille,
Carole Laure avoue avoir voulu faire un film sur
les corps en mouvement, et plus précisément celui des
adolescents considéré comme le vecteur expressif par
excellence. Intention d’autant plus louable que son
premier film Les fils de Marie cultivait surtout
la lenteur et l’immobilisme au service d’une
histoire de renaissance pas spécialement légère.
La
présentation, puis la rencontre des personnages
constituent à peu près le seul mérite de Trop près
du sol, certes pétri de bons sentiments et d’un
talent certain de mise en scène. Mais cela n’a jamais
suffi à faire un bon film. Et pourquoi la réalisatrice
a t-elle choisi de surcharger tous ses effets ?
D’abord par une musique tonitruante et très tendance,
mille fois entendue. Ensuite par l’ajout d’épisodes
sordides alourdissant le propos, comme la scène du viol
subi par Rachel et la présence du mari handicapé à
l’origine de l’emprisonnement de Jeanne, devenu à
moitié fou et mystique. Des rallonges qui décidément
rompent le rythme du film.
Curieusement, la meilleure surprise provient d’un
autre personnage : celui d’Odile, que Jeanne a
rencontré en prison. Cette très grosse femme a un jour
pété les plombs et s’est retrouvé derrière les
barreaux. Au-dehors, les deux femmes restent amies. Carole
Laure filme Odile avec tendresse et respect, en fait
une personne généreuse, à la sexualité épanouie,
capable de danser et d’aller secourir Rachel. Bref,
quelqu’un d’humain nullement gênée ou stigmatisée
par son poids.
Dommage
que cette tendresse affichée pour Odile, et dans une
moindre mesure pour Rachel et Jeanne, n’ait pas permis
à la cinéaste de faire moins appuyé et de ne pas
transformer petit à petit son film en comédie musicale
sociale tournée à la manière d’un clip.
Patrick
Braganti
Français
– 1 h 40 – Sortie le 29 Septembre 2004
Avec
Clara Furey, Danielle Hubbard, Mireille Thibault,
Jean-Marc Barr
|