Vincent
ne parvient pas à faire le deuil de sa femme
qu’il découvrit assassinée dans leur maison il
y a trois ans. Obsédé par le taxi jaune qu’il
croisa sur son retour dont il fait du chauffeur le
coupable d’office, il a déménagé depuis à
New York dans la quête rédemptrice du meurtrier
présumé avec dans sa mémoire trois indices :
un blouson rouge, une bague et une énorme éraflure
sur la portière du conducteur.
Alice,
qui sert la soupe populaire aux démunis, est la
voisine de Vincent. Amoureuse du jeune veuf
inconsolable, elle est persuadée que leur union
sera réalisable après son appétit de vengeance
assouvi.
Roger
est chauffeur de taxi. C’est un vieux briscard
à peu près revenu de tout, vivant seul dans un
loft glauque que jouxte une ligne de métro aérien.
La
rencontre fortuite d’Alice et de Roger marque le
début d’une incroyable – et surtout
invraisemblable – machination de la part de la
jeune femme, visant à faire de Roger le coupable
idéal recherché par Vincent. Comme le titre
l’indique, il sera bien question d’un crime
mais la perfection en ce domaine est rarement au
rendez-vous et la vie peut réserver bien des
surprises…
New
York, un taxi jaune, une ambiance glauque et
majoritairement nocturne : cela ne vous
rappelle t-il pas quelqu’un ? Martin
Scorsese bien sûr. Le fantôme de Travis
Bickle, le héros de Taxi Driver, vétéran
de la guerre du Vietnam en train de péter les
plombs, plane au-dessus d’Un crime. De
plus, Roger est interprété à la fois de manière
magistrale et attendue par Harvey Keitel,
marqué pour longtemps par son rôle de flic
pourri et drogué, criblé de dettes, dans Bad
lieutenant d’Abel Ferrara, autre
amoureux de l’univers glauque de Big Apple.
Côté influences, on voit donc aisément par qui
le cinéaste de Marie, Baie des Anges, a été
inspiré.
Hélas,
Un crime reste avant tout l’œuvre d’un
petit français rêvant de faire comme si. En
investissant le territoire culte et lourd de sens
d’une ville éminemment cinématographique. Dont
il réussit, grâce au travail somptueux du
directeur de la photographie Yorgos Arvanitis
– fidèle collaborateur de Theo Angelopoulos
– à restituer l’ambiance malsaine et électrique.
Une électricité qui court-circuite pour mieux la
faire disjoncter la relation qui se noue entre
Alice et Roger. Entre Emmanuelle Béart,
charnelle et vénéneuse comme jamais, se limitant
à un jeu assez uniforme et Harvey Keitel,
animal magnétique d’une puissance physique
impressionnante, même si l’on sent ici le poids
des années peser, se crée une intensité
sexuelle palpable et captivante. A leur côté, le
pauvre Vincent qui tente d’oublier son chagrin
en faisant participer son chien à des courses de
lévriers – milieu tenu à priori par la
communauté asiatique de la ville – fait piètre
figure, ce qui décrédibilise les sentiments d’Alice
envers lui.
Exilé
pendant un an aux Etats-Unis en compagnie de son
scénariste Tonino Benacquista ( qui avait
déjà signé le scénario de Sur mes lèvres
en 2001), Manuel Pradal réalise un film décevant.
Si l’on ne peut nier ses talents à filmer, à
utiliser les codes séculaires d’un genre :
la garce dans un thriller, on ne saurait trop
l’encourager à construire un projet avec un peu
plus de ciment et des fondations mieux étayées.
Histoire d’y croire et de nous passionner
davantage.
Patrick
Braganti
Thriller
français – 1 h 42 – Sortie le 11 Octobre 2006
Avec
Emmanuelle Béart, Harvey Keitel, Norman Reedus
|