cinéma

Un crime de Manuel Pradal

[2.0]

 

 

Vincent ne parvient pas à faire le deuil de sa femme qu’il découvrit assassinée dans leur maison il y a trois ans. Obsédé par le taxi jaune qu’il croisa sur son retour dont il fait du chauffeur le coupable d’office, il a déménagé depuis à New York dans la quête rédemptrice du meurtrier présumé avec dans sa mémoire trois indices : un blouson rouge, une bague et une énorme éraflure sur la portière du conducteur.

Alice, qui sert la soupe populaire aux démunis, est la voisine de Vincent. Amoureuse du jeune veuf inconsolable, elle est persuadée que leur union sera réalisable après son appétit de vengeance assouvi.

Roger est chauffeur de taxi. C’est un vieux briscard à peu près revenu de tout, vivant seul dans un loft glauque que jouxte une ligne de métro aérien.

La rencontre fortuite d’Alice et de Roger marque le début d’une incroyable – et surtout invraisemblable – machination de la part de la jeune femme, visant à faire de Roger le coupable idéal recherché par Vincent. Comme le titre l’indique, il sera bien question d’un crime mais la perfection en ce domaine est rarement au rendez-vous et la vie peut réserver bien des surprises…

 

New York, un taxi jaune, une ambiance glauque et majoritairement nocturne : cela ne vous rappelle t-il pas quelqu’un ? Martin Scorsese bien sûr. Le fantôme de Travis Bickle, le héros de Taxi Driver, vétéran de la guerre du Vietnam en train de péter les plombs, plane au-dessus d’Un crime. De plus, Roger est interprété à la fois de manière magistrale et attendue par Harvey Keitel, marqué pour longtemps par son rôle de flic pourri et drogué, criblé de dettes, dans Bad lieutenant d’Abel Ferrara, autre amoureux de l’univers glauque de Big Apple. Côté influences, on voit donc aisément par qui le cinéaste de Marie, Baie des Anges, a été inspiré.

Hélas, Un crime reste avant tout l’œuvre d’un petit français rêvant de faire comme si. En investissant le territoire culte et lourd de sens d’une ville éminemment cinématographique. Dont il réussit, grâce au travail somptueux du directeur de la photographie Yorgos Arvanitis – fidèle collaborateur de Theo Angelopoulos – à restituer l’ambiance malsaine et électrique. Une électricité qui court-circuite pour mieux la faire disjoncter la relation qui se noue entre Alice et Roger. Entre Emmanuelle Béart, charnelle et vénéneuse comme jamais, se limitant à un jeu assez uniforme et Harvey Keitel, animal magnétique d’une puissance physique impressionnante, même si l’on sent ici le poids des années peser, se crée une intensité sexuelle palpable et captivante. A leur côté, le pauvre Vincent qui tente d’oublier son chagrin en faisant participer son chien à des courses de lévriers – milieu tenu à priori par la communauté asiatique de la ville – fait piètre figure, ce qui décrédibilise les sentiments d’Alice envers lui.

 

Exilé pendant un an aux Etats-Unis en compagnie de son scénariste Tonino Benacquista ( qui avait déjà signé le scénario de Sur mes lèvres en 2001), Manuel Pradal réalise un film décevant. Si l’on ne peut nier ses talents à filmer, à utiliser les codes séculaires d’un genre : la garce dans un thriller, on ne saurait trop l’encourager à construire un projet avec un peu plus de ciment et des fondations mieux étayées. Histoire d’y croire et de nous passionner davantage.

 

Patrick Braganti

 

Thriller français – 1 h 42 – Sortie le 11 Octobre 2006

Avec Emmanuelle Béart, Harvey Keitel, Norman Reedus