Sur
son sujet, le réchauffement planétaire – global
warning en version originale - , Une Vérité
qui dérange n’a rien de révolutionnaire et
n’apprend pas grand-chose, si ce n’est
quelques données chiffrées, sur le devenir
catastrophique du monde. Pour peu bien sûr que
l’on soit soi-même à l’écoute de
l’actualité et de ses tragiques et fréquents
comptes-rendus de tous les cataclysmes (ouragans,
tsunamis, tempêtes) que subit notre vieille
Terre.
Sur
son dispositif – qui se résume en majeure
partie au filmage d’une conférence bénéficiant
de tous les moyens modernes et high-tech de présentation
-, Une Vérité qui dérange n’a rien de
passionnant. Nous sommes ici au degré zéro de
l’invention en matière de réalisation et de
mise en scène.
Alors,
me direz-vous : pourquoi diantre aller voir
ce film ? Hormis le fait que sa vision est en
effet fort dispensable, le principal intérêt du
documentaire réside en la personne de son
instigateur et de son acteur principal : Al
Gore himself, ci-devant ancien vice-président
de Bill Clinton et premier challenger vaincu de
George W. Bush. Quel homme, quel pédagogue et
surtout quel comédien que cet Al Gore, à
qui l’on décernerait volontiers et sans ciller
un prix d’interprétation masculine !
Certes,
l’action maléfique des gaz à effet de serre et
le bond des émissions de dioxyde de carbone,
responsables du réchauffement et des drames écologiques,
ont toujours interpellé l’homme politique, qui
eut la chance de rencontrer un professeur
fantastique lors de ses années de lycée qui l’éveilla
et lui montra la voie. Recalé à l’élection présidentielle,
ce qui constitue un échec dur à avaler de son
propre aveu, Al Gore s’est reconverti en
VRP international de la cause écologique.
Parcourant la planète dans tous les sens, il y présente
depuis un bon millier de fois une conférence aux
petits oignons avec force chiffres et graphiques,
effrayants pour notre avenir à moyen terme.
Jouant les pédagogues éclairés et éclaireurs
avec un art consommé de la mise en scène,
sachant ménager ses effets, utilisant une
technologie interactive et ludique, maniant un
humour féroce et plein d’(auto)dérision, Al
Gore se révèle un professeur hors pair et
charismatique. Ce qui ne laisse pas d’étonner
sur la santé mentale des Américains :
comment ont-ils pu préférer l’obtus et limité
Bush à l’intelligent et malicieux Al Gore ?
Il
est indéniable que cet homme-là y croie dur
comme fer, tant son discours, particulièrement
mordant et lucide envers son peuple, est
convaincant et communicatif. Mais, Une Vérité
qui dérange aurait été du coup plus
captivant et plus marquant s’il s’était
cantonné à mettre en images le sacerdoce loyal
et engagé de Al Gore.
Le
plus gênant tient en ce que celui-ci n’ait pas
rompu entièrement avec ses velléités de pouvoir
et de conquête politique. Ainsi, le film se
transforme dans ses interstices en clip de
campagne, voire en panégyrique à la gloire de
son héros, qui n’hésite pas à évoquer sans
vergogne ni pudeur les épisodes douloureux et
fondateurs de sa vie : accident de son fils
à six ans qu’il faillit perdre, mort de sa sœur,
influence de la figure tutélaire du père. Dans
ces moments, Al Gore reste un Américain
pur souche, un tantinet moralisateur et donneur de
leçons, apôtre du « do it yourself ».
D’ailleurs, le générique final est parsemé de
judicieux conseils à l’adresse du spectateur
responsable.
On
ignore si Une Vérité qui dérange –
sans que l’on perçoive au demeurant en quoi et
qui elle dérange – aura l’effet escompté :
être le catalyseur d’une prise de conscience et
d’une mobilisation over the world. Mais
comme il le dit lui-même avec ironie, l’énergie
politique est renouvelable. Ce qui laisse augurer
d’enfiévrés débats…
Patrick
Braganti
Documentaire
américain – 1 h 38 – Sortie 11 Octobre 2006
Avec
Al Gore
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www.criseclimatique.fr
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