Uno,
c’est avant tout un jeu de cartes dont la règle
consiste pour le futur gagnant à se débarrasser
de toutes ses cartes, sans oublier de lancer à la
cantonade le nom du jeu avant de poser sur le
tapis l’ultime carte. Si Aksel Hennie,
acteur norvégien qui signe ici sa première réalisation,
a choisi d’intituler son film ainsi, c’est
pour l’analogie évidente entre tous les jeux de
cartes et le cours de toute vie forcément marquée
par le hasard et ses imprévisibles
rebondissements. Aksel Hennie pousse encore
plus loin le parallélisme puisque David, son
personnage principal qu’il interprète lui-même,
doit en quelque sorte faire table rase de son
existence actuelle – abattre toutes ses cartes
– pour envisager de redémarrer sur de nouvelles
bases. Le jeune cinéaste ouvre même chaque
chapitre de son film par une carte du jeu.
David
vit à Oslo chez ses parents, plus précisément
dans la cave de leur appartement qu’il investit
comme refuge le coupant du reste du monde et de
ses problèmes. Alors que son père atteint d’un
cancer dépérit dans son lit, David passe son
temps à soulever de la fonte dans une salle de
gym qui lui sert aussi de plaque tournante à de
sombres trafics impliquant le fils du propriétaire
des lieux, son meilleur pote Morten et la
communauté pakistanaise locale.
Arrêté
par la police pour un trafic d’anabolisants,
David se trouve placé devant un choix cornélien :
pour être libéré et rejoindre au plus vite
l’hôpital où son père vient d’être transféré,
il doit livrer le nom d’un de ses partenaires.
En clair devenir une balance avec toutes les conséquences
que cette entorse aux codes « déontologiques »
des voyous entraîne.
Abandonné
par son meilleur pote et harcelé de toutes parts,
David doit sans cesse se planquer et fuir, tenaillé
par une peur viscérale et offert à tous les
coups.
Pour
Aksel Hennie, présent aux postes de réalisateur,
scénariste et acteur principal, Uno sert
d’abord d’exutoire car l’histoire cabossée
de David, c’est avant tout la sienne en grande
partie. Comme toute première œuvre, à fortiori
à haute teneur autobiographique, Uno veut
signifier un maximum de choses dans un traitement
souvent brouillon, qui n’évite pas certains écueils
inhérents au climat même dans lequel il baigne.
L’ambiance de Uno est donc
essentiellement nocturne et glauque, éclairée
par les lampadaires orange de la capitale norvégienne,
à mille lieues de l’image aseptisée et
tranquille qui lui est habituellement associée.
Nous sommes plongés dans un univers masculin et
hyper violent où tout se règle à coups de
poings et de pieds. On sent que Aksel Hennie
ne parvient pas à créer une distance suffisante
avec cette violence latente et finit par afficher
un certaine plaisir à la mettre en scène.
Aksel
Hennie présente Uno comme un film
humaniste, en choisissant de donner à son héros
laissé pour mort au milieu d’une flaque de sang
une seconde chance. Avant cette improbable rédemption,
David aura eu à suivre son propre chemin de
croix, balisé par les trahisons et les luttes
contre ses peurs et sa solitude.
Malgré
ses imperfections de jeunesse – musique
lacrymale à fond, complaisance pour cet univers
de bad boys à la fois violents et grand cœur, le
personnage du jeune frère trisomique de David –
Uno fait preuve d’une sincérité
indubitable qui le dope de bout en bout.
Patrick
Braganti
Drame
norvégien – 1 h 39 – Sortie 10 Mai 2006
Avec
Aksel Hennie, Nicolai Cleve Broch, Bjorn Floberg
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