cinéma

Vendredi soir de Claire Denis      

 

    Adapté d’un court roman d’Emanuèle Bernheim, Vendredi soir raconte la rencontre de Jean (Vincent Lindon) et Laure (Valérie Lemercier) un soir d’embouteillage monstre dans paris dû à une grève des transports en commun.

Après les très réussis Beau travail et Trouble Everyday, Claire Denis montre une fois de plus qu’elle est une cinéaste des corps et de la chair, matière première de ce film mais aussi de ses précédents.

Le film, à la trame aussi mince qu’une feuille à cigarette, commence dans les airs et plus précisément sur les toits de Paris, au coucher du soleil, un soir d’hiver, alors que tout semble calme, pour redescendre tout doucement vers le sol, le bitume où là règne une pagaille incroyable, où s’entrecroisent d’innombrables voitures toutes immobilisées dans le froid.

 

    D’entrée, on ne peut être qu’ébloui par la photo magnifique, par la lumière qui se dégage du film, d’une beauté telle qu’elle nous plonge immédiatement dans cette fraîche et humide soirée parisienne. Et puis il y a tous ces détails que filme Claire Denis et qui trouvent très justement leur place dans le cadre de la caméra : la buée, les carrosseries mouillées éclairée par les phares et les lumières de la ville, les gaz d’échappement, le bruit des moteurs, des clés de contact, la radio bien calée sur FIP... tout un éventail de signes d’une urbanité froide mais bien vivante. Et c’est dans cet univers de ville que vont évoluer Jean et Laure, magistralement interprétés par un Vincent Lindon, respirant la gentillesse et le réconfort et une Valérie Lemercier toute en retenue, enfin affranchie de ses rôles de bourgeoises fofolles. Filmés au plus près et avec une grande précision, ces êtres de chair communiquent par les regards, par les gestes, par les odeurs et chaque mouvement prend alors toute son importance. Les scènes d’amour, tournées avec beaucoup de pudeur et sans excès expriment bien plus que n’importe quel film de cul, même tourné par John B. Root.

 

    En faisant de Vendredi soir  un film épuré, minimaliste dans ses dialogues, et collant au plus près de ses acteurs, Claire Denis rejoint un cinéaste tel que Tsai Ming Liang, lui aussi réalisateur faisant des corps une véritable matière de travail et d'inspiration.

 

Benoît