Vera Drake
de Mike
Leigh
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Dans le Londres de l’après-guerre, on
vit encore sous le joug de la misère et des restrictions
chez Vera Drake et sa petite famille rassemblée au
sein d’un petit appartement coquet et astiqué. Il faut
dire que rien ne semble entamer le bonheur de Vera, son énergie
et son irrépressible besoin d’aider les autres. Entre
ses activités de femme de ménage chez les bourgeoises
oisives du coin et son boulot de vérificatrice
d’ampoules, elle trouve encore le temps d’aller rendre
visite chez quelques déshérités, d’inviter à manger
un pauvre garçon solitaire qu’elle espère refiler à
sa fille très nunuche.
Tant de gentillesse et de mièvrerie, ça paraît suspect.
Eh bien ce n’est pas tout car Vera aide aussi depuis
longtemps des jeunes filles à avorter ou plutôt à faire
passer leur bébé au moyen peu orthodoxe de l’injection
d’eau savonneuse grâce à une poire. A la suite d’une
dénonciation par la mère d’une parturiente passée pas
loin de la mort, Vera est arrêtée puis jugée.
On sait depuis Naked et Secrets
et Mensonges combien Mike Leigh aime à filmer
la vie des petites gens avec toujours beaucoup de
tendresse et de compassion. Ce nouvel opus n’échappe
pas à la règle, au contraire. Les larmes un peu faciles
et les grands sentiments sont une nouvelle fois au
rendez-vous. Néanmoins, Vera Drake est un film
honnête, qui restitue très bien cette époque de l’immédiate
après-guerre. Il faut saluer la beauté de la photo, la
justesse des éclairages. Sur ce plan, Leigh signe
de la belle ouvrage. Ensuite, comment ne pas s’incliner
devant la prestation de Imelda Staunton justement récompensée
du prix d’interprétation au dernier festival de Venise
pour un rôle qui doit beaucoup à l’improvisation selon
la méthode habituelle du cinéaste. Une consécration méritée
pour cette figure récurrente du théâtre et de la télévision
britanniques.
En fait, Vera Drake prend réellement son envol avec
l’arrestation de son héroïne candide et généreuse.
La première partie du film, mise en situation, souffre de
quelques longueurs dilatoires. Voir le fils dans son métier
de tailleur ou en goguette avec deux copains, assister aux
manœuvres de rapprochement entre le voisin et la fille ne
servent qu’à inscrire Vera Drake dans son
contexte familial. Et à nous montrer un quatuor sans écueils,
où tout est harmonie et délicatesse. Au détail près
que personne n’est au courant des services particuliers
rendus par Vera.
Son arrestation au milieu d’une petite fête pour
l’officialisation des fiançailles de la fille
intervient comme un chien dans un jeu de quilles et
conduit à la révélation de la coupable activité à une
famille soudain moins soudée. C’est lorsque les failles
se révèlent, que se pose la question de la responsabilité
que Vera Drake acquiert une épaisseur
psychologique plus captivante. Vera est tellement bonne
que jamais elle n’a accepté de l’argent pour ses
services, mais ne s’est jamais non plus enquise de ce
que ses « clientes » sont devenues. En tout
cas, le film ne le montre pas. Pourtant ces opérations
effectuées dans la clandestinité et sans grande précaution
sanitaire ne sont pas bénignes ni physiquement ni
mentalement, des notions que Leigh n’approfondit
pas.
Il a néanmoins le mérite de montrer la condition cruelle
de ces pauvres femmes le plus souvent victimes d’hommes
brutaux. Seul le cas d’une femme dont le mari est soldat
au loin en Corée est évoqué ici.
Portrait d’une femme humaniste, sans
doute un peu inconsciente des conséquences éventuelles
de ces agissements, Vera Drake qui a également reçu
le Lion d’Or à Venise se laisse voir sans déplaisir,
mais sans excitation non plus. Un travail marqué par la
sincérité et l’empathie, celui d’un cinéaste devenu
avec son comparse Ken Loach le peintre talentueux de l’Angleterre
« d’en bas ».
Patrick Braganti
Film britannique – 2 h 05 – Sortie le 09 Février 2005
Avec
Imelda Staunton, Richard Graham, Eddie Marsan
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