Lambchop
- Aw
c`mon! / No you c`mon!
City
Slang/Labels - 2003
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Après avoir nommé son meilleur album d’après
l’une des pires fripouilles du XXème siècle (Nixon),
et s’être pris pour une femme (Lambchop Is a Woman),
Kurt Wagner sort 2 albums le même jour. Preuve
s’il en était besoin que le bonhomme ne suit
d’autre logique que la sienne, admirablement
personnelle. Ne cherchez donc pas le concept qui tue :
le nouveau Lambchop est composé de 2 albums,
parce-que-c’est-comme-ça-et-puis-c’est-tout :
notre gars Kurt avait un gros paquet de chansons sous la
main, et comme il ne connaît tout simplement pas la médiocrité,
il a décidé de toutes les publier. Son bébé est de
ces formations qui ne calculent encore rien et qui se
moquent bien de s’entendre dire qu’un tel acte
n’est pas forcément la meilleure idée qui soit
commercialement parlant. Car depuis que ses ventes de
disque lui ont permis de laisser tomber son épuisant
travail de poseur de parquet, Wagner se tamponne
encore un peu plus d’un éventuel plan de carrière.
2 disques donc. Ceux qui étaient restés un peu sur
leur faim avec leur précédent, Is a Woman, très
introverti et minimaliste, ne s’en plaindront
certainement pas : 1H30 de grande musique américaine,
et je pèse mes mots. Renouant avec la mixture
miraculeuse de Nixon, à savoir cette espèce de
Philly Sound mâtiné de saveurs rurales, Wagner
redevient ce conteur laconique et surréaliste posant sa
voix de plus en plus houblonnée sur une musique aux
arrangements d’une volupté absolument renversante.
C’est notamment le cas sur Awc’mon, le plus
homogène des 2 disques : Being Tyler fait
office de générique classieux pour un voyage cosy au cœur
du petit monde boisé de Lambchop.
Ce disque est probablement le travail le plus abouti de
la formation à géométrie variable (entre 10 et 15
musiciens, au gré des envies de chacun), alternance
d’instrumentaux aux titres impénétrables (Timothy
B. Schmidt, The Lone Official) et de
confessions amoureuses mi-tendres, mi-cruelles. Partout
cette même sensation d’une incroyable plénitude,
d’un accomplissement rare, d’un idéal de musique même,
unissant dans un même élan la très noire (soul) et la
très blanche (country), qu’on peut enfin toucher du
doigt. Dans un style différent, seul Belle and
Sebastian arrive aujourd’hui à allier formation
traditionnelle et arrangements amples dans une telle
harmonie.
Noyouc’mon,
ne diffère bien évidemment pas énormément de son
jumeau, mais il révèle un Lambchop plus joueur,
plus primesautier. Tout aussi charmeur la plupart du
temps, Wagner donne dans l’auto parodie sur un Low
Ambition (que titre merveilleusement approprié pour
un groupe effectivement dénué de toute ambition
mercantile, mais qui place artistiquement la barre si
haut !) sur lequel ses paroles se muent presque en
borborygmes incompréhensibles. Plus loin, il se fera débonnaire
sur About My Lighter (oui, oui, une ode à son
briquet, mais il faut savoir que le bonhomme a arrêté
de fumer…), voire carrément bas du front sur le très
basique Shang a Dang Dang, réminiscent des Stones
d’Exile on Main Street. Listen quant à
lui, est carrément un des sommets du groupe :
l’accompagnement piano-pedal steel allié à une voix
plus humble que jamais atteint des hauteurs stratosphériques
dans le registre émotionnel pudique que visait (sans
toujours l’atteindre) Is a Woman. Si on ajoute
à cela le dérapage bruitiste Nothing Adventurous
Please, vestige de leurs premiers enregistrements,
on obtient un véritable best of Lambchop sur un
seul CD.
Le couple Awc’mon/Noyouc’mon quant à lui est
au-delà de tout éloge, et je serai bien en peine de
donner ma préférence à l’un ou à l’autre. Il se
pose en nouvel étalon non plus du rock américain seul,
mais tout simplement d’une musique universelle et
inspirée, menée par ce dénommé Kurt Wagner,
improbable ex-charpentier vaguement pantouflard devenu
crooner sublime. Grand interprète, grand(s) disque(s),
très grand groupe.
Laurent
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