Midlake
- Bamnan and slivercork 1/2
Bella
Union/V2 - 2004
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Lorsque à l’automne
1998 Mercury Rev fit paraître son odyssée
spatio-folk-disneyenne, on était loin de se douter
qu’il ouvrirait une telle brèche dans le rock
alternatif US. Bien sûr, Sparklehorse et Grandaddy
étaient déjà passés par-là, mais c’est véritablement
leur Deserter’s Songs qui a permis à de
nombreux auditeurs et à de nombreux groupes d’appréhender
tout un héritage musical, voire culturel, avec un
regard neuf.
Les Texans de Midlake sont incontestablement des
enfants du Déserteur et ont manifestement beaucoup écouté
ses mélopées irréelles : partout sur leur
premier album l’impression d’être plongé dans une
sorte de rêverie à la fois bucolique et synthétique ;
il se dégage de toutes leurs chansons une puissance
onirique gracile mais certaine, et on se retrouve tel un
enfant pénétrant dans une forêt inquiétante et
pourtant bienfaitrice, au cœur d’une campagne bizarroïde.
L’extase et l’émerveillement succèdent à une appréhension
liminaire, le tout baignant dans une constante mélancolie :
il en est ainsi du titre d’ouverture, They Cannot
Let It Expand, dont le mantra peu rassurant se voit
contrebalancé par des claviers enfantins.
Les amateurs des groupes précédemment cités devraient
donc aisément se repérer dans cet univers doucement
psychédélique et flottant. Les fans de Grandaddy
surtout, trouveront là les cousins les plus évidents
du quintet de Modesto : ici aussi l’électronique
de paria est reine. Les synthés hors d’âge
s’accumulent en une symphonie décalée et forment un
écrin à l’épaisseur rassurante, alliés à une
guitare folk qui rappelle constamment que ce(s)
groupe(s) doi(ven)t être considéré(s) comme
fondamentalement country sur le fond. La poésie naît
ainsi à la fois de cette utilisation d’instruments désuets
et de leur alliage à la rusticité d’une musique plutôt
rurale.
Il y a véritablement quelque chose d’émouvant et de
symboliquement fort à voir ces 2 groupes utiliser un
matériel autrefois à la pointe mais aujourd’hui
complètement dépassé, comme mis au ban de la course
à la technologie. Le libéralisme n’a décidément de
pitié pour personne, pas même pour les machines. Que
les 2 groupes soient originaires de la première
puissance industrielle mondiale ajoute une couche
d’ironie à cet état de fait…
Quoiqu’il
en soit, et de manière très immédiate, des titres
tels que He Tried to Escape, Balloon Maker
ou surtout Some of Them Where Superstitious, sont
dotés d’une portée émotionnelle véritablement
saisissante.
Mais
là où le groupe de Jason Lytle privilégie
l’illumination mélodique, Midlake opte pour
une sorte de résignation languide, due notamment au
timbre de voix un peu éteint et monocorde de Tim
Smith, qui n’est pas sans rappeler celui de Thom
Yorke (le mimétisme est même troublant sur le
titre le plus « électrique » de l’album, Mopper’s
Medley).
Tout n’est pas encore parfait (une paire de titres
assez anecdotiques), et ce qui l’est renvoie encore
trop à d’imposants aînés. Qu’importe : ne
boudons pas notre plaisir et notre émotion à l’écoute
de quelques titres à la fragilité assumée et au
rayonnement timide mais durable. Et si Midlake
confirme toutes ses (nombreuses) qualités, Bamnan
and Slivercock ne devrait en tout cas bientôt plus
représenter que le point de départ d’une carrière
probablement féconde.
Laurent
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