« And the world was lost some years
ago », telles sont les premières paroles
entendues sur ce Failing songs, présenté comme
le second volet d’une trilogie entamée l’an dernier
avec le superbe Drinking songs. Comme son prédécesseur,
ce disque laisse en marge les traitements numériques
claustrophobes et les jeux de découpage de The mess
we made, pour aller vers plus d’épure et faire la
part belle à des chansons fortement ancrées dans la
tradition musicale slave (des résurgences en partie
attribuables à l’éducation russe orthodoxe reçue
par Matt Elliott dans sa jeune enfance, et qui
l’ont indubitablement marqué). Les textes sont graves
et profondément touchants, Matt Elliott y offre
sa vision du monde, celle d’une humanité en situation
d’échec.
Et pourtant point de rage ou d’excès de colère
ici, au contraire, il se dégage de ces chansons une
douce mélancolie, une sensation d’apaisement où la
voix de Matt (délectable lorsqu’ elle se fait grave
et profonde), parfois doublée par celle de Sabine
Chaouch, se démultiplie pour donner naissance à
des chœurs solennels tout en retenue. Une retenue que
l’on retrouve sur ces titres (dont la plupart ont été
composés en compagnie de Patricia Arquelles Martinez)
arborant volontiers des allures de valses enivrantes
venues d’Europe de l’Est, voire de Kazatchok à
allures variables, où les guitares dépaysantes régulièrement
tenaillées par un spleen hispanique, jouent la carte de
la délicatesse (celle de la rugosité ne pointe son nez
que sur Chains ou à la fin de Desamparado),
le jeu de violon d’une finesse accablante est digne
d’un exercice de voltigeur, et les notes de piano
perlent en toute discrétion. Derrière les fûts et au
violoncelle, c’est le frère d’âme Chris Cole
(Mr Manyfingers, auteur du chef-d’œuvre Our
worn shadow) qui s’adonne à des jeux de caresse
avec ses balais, avec la dextérité et l’audace
qu’on lui connaît : à cet égard, on le
remercie de nous régaler avec ses rythmiques ternaires
flottant à contre-pied sur les mélodies binaires de The
failing song.
Mais ce serait passer à côté de
l’essentiel que de se perdre dans des considérations
techniques, car ce qui fait une fois encore que ce
disque de Matt Elliott est en tout point une réussite,
c’est qu’il s’agit d’un reflet de son âme
(grise), et donc à son image : grand, singulier,
honnête, sensible et touchant.
Sébastien
Radiguet
Tracklist :
Our
weight in oil
Chains
The
séance
The
failing song
Broken
bones
Desamparado
Lone
gunmen required
Good
pawn
Compassion
fatigue
The
ghost of Maria Callas
Gone
Planting
seeds
Durée
: 49’30
Sortie
:
23 octobre 2006
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