The
Beta Band - Heroes to Zeros
Labels - 2004
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A force d’atermoiements,
d’actes manqués, de rendez-vous négligés, le Beta
Band s’est petit à petit fait oublier d’un
public indie-pop pourtant tout disposé à le couvrir de
lauriers. Leurs premiers singles (réunis sur
l’indispensable CD The Three EPs ), tous
remarquablement accueillis par la presse, dévoilaient
un groupe à la fois érudit et joueur, au potentiel
populaire indéniable : beaucoup voyaient bien le
band de Steve Mason reprendre le flambeau des Stone
Roses par exemple.
Le problème c’est qu’on ne peut pas (ou plutôt
« pouvait » jusqu’à cet album-ci…)
s’empêcher de penser qu’ils n’ont jamais fait
mieux depuis… Dry the Rain, le tout premier
morceau qui est arrivé à nos oreilles est ainsi la
chanson baggy-folk définitive, celle qui nous fait
immanquablement dodeliner de la tête un sourire
bienheureux (un peu bêta, oui) aux lèvres.
On connaît bien désormais les circonstances qui nous
ont valu un premier album pratiquement inécoutable,
patchwork sans queue ni tête de samples, sons, mélodies
diverses : suite aux importantes sommes englouties
dans sa réalisation, leur maison de disque leur avait
tout simplement coupé les vivres, les laissant en plan
en cours d’enregistrement. Leur véritable début sur
long format, Hot Shots II, quoique très réussi,
donnait une impression pourtant mitigée, comme si le
groupe s’était volontairement bridé et enfermé dans
un minimalisme de bon goût ne reflétant pas vraiment
leur nature de francs-tireurs fantaisistes.
Ce 3ème album pourrait ainsi presque faire
figure de véritable point de départ pour les Ecossais,
puisque Heroes to Zeros ressemble très
exactement à l’idée que l’on se fait d’un album
du Beta Band : immédiatement identifiable
et inclassable, païen et mystique, organique et
technologique. Grâce soit ainsi rendue (encore une
fois) à Nigel Godrich, qui a décidément le
chic pour s’effacer derrière son ouvrage et faire
sortir ce qu’ils ont de meilleur aux artistes avec
lesquels il collabore.
L’album débute pourtant par un morceau plutôt
traditionnellement rock (Assessment) qui n’est
pas sans rappeler U2… Fort heureusement, la
poussée de cuivre du final emporte le morceau (en même
temps que l’adhésion) vers les tonalités plus funky
dont les 4 super-héros (cf la pochette) sont
coutumiers.
C’est ensuite à un défilé de grooves patraques et
irrésistibles auxquels nous sommes conviés, dont le mélange
avec des sonorités directement héritées du folk possède
des vertues narcotiques des plus confortables :
voir ainsi la lysergique love-song Wonderful,
comme une plongée en apnée dans un liquide gluant mais
absolument pas dégoûtant.
Les morceaux s’enchaînent royalement et paisiblement,
tous hybrides (hip-hop, funky, pop, folk à la fois),
expérimentaux et pourtant très accessibles, et on se
dit qu’il fait bon vivre sur un album du Beta Band
(et non plus seulement un single). Enfin, après 8 années
d’existence. Raison de plus pour accueillir à bras
ouverts Heroes to Zeros dans sa discothèque.
Laurent
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