Après l’éclosion des très photogéniques
(et talentueux) Kings of Leon, on serait
tenté de mettre la révélation de My Morning
Jacket sur le dos d’une possible résurgence
du rock sudiste cher aux Allman Brothers.
Sauf qu’on ne peut pas parler de révélation en
ce qui concerne le quintet du Kentucky, déjà
auteur de 2 magnifiques albums et d’une honnête
tripotée de singles et autres EP’s remplis
jusqu’à la gueule d’inédits. Sauf que (bis) My
Morning Jacket ne joue pas du rock sudiste. Ou
pas seulement.
Car si l’on retrouve bien régulièrement
des bribes de cet irrésistible boogie rural tel
qu’on le pratiquait aussi bien chez Creedence
que chez Lynyrd Skynyrd, le groupe de
Louisville a les idées beaucoup plus larges. On
entend ainsi au détour de leurs gargantuesques
compositions aussi bien de la pop céleste, du
folk, de la soul, de la country que du psychédélisme.
Autrement dit, Brian Wilson, Dylan, Al
Green, Gram Parsons ou Wayne Coyne
(Flaming Lips) : soit la crème de la
crème du rock américain d’hier et
d’aujourd’hui, recréée par 5 ahuris hirsutes
de Louisville jouant avec l’innocence et la sincérité
de ceux qui n’ont aucune idée de leur
importance.
My Morning Jacket est l’un des très rares
groupes actuels agissant uniquement avec son cœur
et ses tripes. La raison n’a rien à voir avec
ses longues chansons irréelles aux paroles
souvent imbitables et aux développements
improbables : sur Dancefloors par
exemple, on n’a aucun mal à passer d’un
entrelacs de guitares graciles à des riffs
stoniens en un clin d’œil. De la même façon,
sur Run Throu un intermède quasi-électro
vient s’inviter sans crier gare au beau milieu
d’une complainte éthérée.
Et ça a du bon : leur musique est
à la fois incroyablement concrète en raison de
l’enracinement dans des références terriennes
omniprésentes, et absolument surréelle en raison
d’une grande liberté de mouvements et surtout
d’une reverb’ omniprésente. Selon le
chanteur Jim James : « je n’ai
pas envie de chanter comme un type normal, je veux
qu’on puisse penser que je suis un Martien ».
Mais on aura beau écouter ce disque 200
fois – et il faudra bien ça pour en épuiser
toutes les richesses – My Morning Jacket
donnera toujours l’impression de jouer « live
from la grange de la ferme familiale » :
MMJ est un groupe bouseux, un vrai. Lorsqu’on
entend leur musique, on n’entend pas un groupe
de rock, mais plutôt des types heureux de se
retrouver et de jouer ensemble : d’où
l’aspect « jam session » de bon
nombre de leurs chansons, excédant aisément les
5 minutes avec des intros plutôt longues. Cette
musique évoque irrésistiblement un clair de lune
bienfaitrice sur les champs de blé ou mieux
encore, un lever de soleil lourd de promesses
miraculeuses. D’ailleurs leur précédent album
s’intitulait At Dawn ( Au lever du jour)
et ça n’était certainement pas un hasard.
Alors lorsque une ultime pépite acoustique (One
in the Same) que l’on jurerait chipée aux
riches heures de Neil Young vient clore ce
voyage en americana, on sait qu’il est
maintenant l’heure de fermer les yeux dans une
nuit noire qui ne durera pas vraiment.
Laurent
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