musique

Ai phoenix - I've Been Gone Letter One 1/2

Glitterhouse/chronowax - 2004

 

 

 

    C’est quand même beau la musique… On est à Vladivostok, peinard dans sa datcha, à se geler tranquillement les miches par moins –92° et La Javanaise de Gainsbourg est tout aussi émouvante que pour un étudiant éconduit dans sa chambre de bonne du boulevard St Germain. C’est ça la musique, ça abolit les frontières, ça parle à tout le monde, tout pareil que dans une chanson de Michel Berger ou Maxime Le Forestier

 

    Dés lors tout est possible : une formation de salsa bengalie, un groupe de death-metal cubain… Voire même, un country-band norvégien. Ce qu’est précisément AI Phoenix. Ne pas se fier donc à ce patronyme un brin cryptique et idéalement pensé pour la cyber-génération : quoique provenant de la très hype ville de Bergen, qui nous a déjà offert les merveilleux Kings of Convenience, le poppy Sondre Lerche et les trendy Royksopp, ces gaillards là (dont une gaillarde) donnent plutôt dans la guitare folk et la pedal-steel.

 

    AI Phoenix vient alors se positionner en cousin norvégien des suédois St Thomas et Nicolaï Dunger, qui ont eux aussi un faible pour l’Americana, quoique dans un style un peu différent. Mais tout aussi convaincant : il faut se reporter aux notes de pochettes pour se persuader que non, ce groupe ne provient décidément pas de St Louis, Missouri ou Albuquerque, Nouveau-Mexique. Pour eux, il n’y a visiblement pas loin entre les contrées sauvages de Norvège et les grandes plaines du Midwest, et c’est tant mieux car ils pourraient en remontrer à bien des rejetons de l’Oncle Sam.

 

    Somewhere Nice and All donne le ton de tout l’album : une instrumentation chaude et à forte prédominance acoustique, une mélancolie confortable : AI Phoenix joue de la « countriste » avec une aisance et un talents évidents. Les claviers judicieusement utilisés donnent une petite touche de psychédélisme pop absolument charmante et qui n’est pas sans rappeler les riches heures de Grandaddy ou Mojave 3, ces alchimistes modernes passés maîtres dans l’art de marier ruralité et aspirations plus aériennes. A Country Life in the Autumn (pour ceux qui n’auraient pas encore compris : COUN – TRY) se permet même le luxe d’arrangements incongrus en pareil cas, via la scansion de quelques notes de saxophone : ça fait peur comme ça, mais c’est très réussi. Et même s’il privilégie logiquement les ambiances feutrées et l’émotion, le trio sait faire taper du pied à l’occasion, bref, on serait bien en peine de trouver un quelconque défaut à ce disque.

 

    Car même s’il n’invente rien, et qu’on est souvent tenté de songer aux références évoquées plus haut, I’Ve Been Gone dégage une chaleur des plus réconfortantes. Pas irradiante, non, plutôt modeste, mais durable. Le genre de sensation dont on ne peut faire longtemps l’économie.

 

Laurent