Stereolab
- Margerine Eclipse
Elektra/chronowax
- 2004
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S’il existe bien un groupe hors des modes et hors du
temps, comme coincé dans son increvable bulle rétro-futuriste,
il s’agit de Stereolab. Il y a un peu plus
d’an pourtant, la réalité s’est brusquement rappelée
au bon souvenir de ces laborantins rêveurs, via le
tragique accident survenu à l’un de ces membres, la
guitariste et chanteuse Mary Hansen (qu’on
avait également la chance d’entendre régulièrement
sur les disques des cousins pointillistes High Llamas).
Contre toute attente en pareil cas, mais conformément
à son éthique immobiliste, le duo Tim Gane-Laetitia
Saddier a décidé de ne rien changer. Mieux encore,
Margerine Eclipse, se nourrit de la propre carrière
du groupe puisque à plusieurs reprises, on jurerait
avoir affaire à des morceaux antérieurs au virage
« orchestral » des anglais (soit avant Dots
and Loops).
Pour cela, Stereolab a néanmoins effectué
quelques modifications par rapport à son précédent
album Sound Dusts : finie la production
conjointe de John McEntire et Jim O’Rourke,
et welcome Fulton Dingley. On est en droit de le
regretter car c’est probablement à eux (ainsi
qu’aux précieux arrangements de corde de Sean O’Hagan)
que l’on doit les plus belles réussites du groupe.
C’est grâce à eux qu’il a au milieu des années 90
réussi à quitter l’ornière bêta-bruitiste dans
laquelle il s’était enlisé, pour accéder au statut
qui est le sien aujourd’hui, celui d’un groupe
unique, au son reconnaissable entre mille, mélange
d’habileté pop à l’ancienne et d’exigence
rythmique très moderne.
Si le son du groupe n’en a pas été véritablement
affecté (toujours cette impression d’une musique
caoutchouteuse qui rebondit sur elle-même), il n’en
est pas de même pour les chansons, sensiblement moins
bonnes que ce à quoi on avait été habitué. Certes, Vonal
Declosion constitue une ouverture idéale, Margerine
Rock un exercice un peu crétin mais extrêmement
jouissif de régression… rock, et tout l’album est
fidèle à l’idée que l’on se fait d’un disque de
Stereolab : paroles imbitables, mélodies
fugaces, coqs à l’âne, basse serpentine, armada de
claviers 70s, blips-blips en tous genres, résultant sur
une dynamique assez souvent irrésistible (Cosmic
Country Noir est un grand morceau de Stereolab).
Dans leurs meilleurs jours, les Anglais sont ce groupe
de krautrock bubblegum rêvé, un monstre cérébral ET
instinctif, élitiste ET grand public.
On est malgré tout cette fois plus enclin à
s’attarder sur les défauts qu’à comptabiliser les
bons moments (pourtant bien présents !) : la
fin (hormis les 2 derniers titres) est bâclée, on
s’ennuie en général un peu, il ne se passe pas grand
chose, et on en est parfois réduit à halluciner devant
les paroles par delà le bien et le mal d’une Laetitia
Saddier en roue libre : « on ne joue pas
avec la liberté […] elle ne peut être achetée, négociée,
ni échangée contre de la sécurité ; au diable
vos lois qui oppriment le peuple, mettent en péril nos
civilisations ». Vous avez dit « caricature » ?
Mais ces défauts sont imputables à tous leurs disques
sans exception : Stereolab fait partie de
ces groupes que l’on apprécie autant qu’il nous
agace (non parce que la Saddier franchement…),
dont les qualités finissent par devenir des défauts,
et inversement. Margerine Eclipse ne déroge pas
à la règle : il comporte juste un peu plus de –
vrais – défauts que ses prédécesseurs.
Laurent
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