Tout le monde connaît les
bonbons Arlequin ? Mais si, vous savez, ces petites
douceurs acidulées
qui restent longtemps en bouche, qui se laisse découvrir
couche par couche, où chaque strate sucée en présente
une encore plus appétissante ?
Hé bien, le nouvel album de
Bob Dylan,
c’est un peu un bonbon arlequin. Ca n’a rien
d’extraordinaire au début. Et au bout de quelques écoutes,
on ne peut plus s’en passer. Une petite sucrerie
qu’on prend plaisir à laisser fondre jusqu’au bout,
sous la langue ou collé au palet.
Il faut bien l’avouer :
si on avait été ébloui par la classe de Time out of Mind et par le joliment rétro Love & Theft (à la sortie mondiale historique), on n’en espérait
pas tant. Plus tant surtout.
Et pourtant, le grand Zim
– qui reprend depuis une quinzaine d’années un poil
de la bête assez ahurissant, surtout après de telles débâcles
eighties – a encore quelques belles mélodies et
quelques textes bien sentis dans sa besace de troubadour
américain.
Ce Modern Times est dans la droite continuité de ses productions précédentes :
joliment troussé, aux textes pertinents et forts (et
peu enjoués), avec un groupe au diapason de la légende
au micro.
Et si musicalement,
l’ambition a disparu (plus de révolution sonore comme
en 1965), elle n’en a pas moins laissé place à une
sorte de classe innée, qui rend chaque morceau plus
attachant écoute après écoutes.
Sorte de mélange réussi de Love
& Theft et de
Time Out of
Time, ce Modern Times n’a de moderne que le nom tant ce disque respire la
première moitié du XXè siècle, entre jazz et
rockabilly, survolées de quelques touches de jazz
manouche, le tout en format 2 couleurs.
A certains moments même, on
s’imagine bien plus loin dans le temps. A une époque
révolue, faite de plaines désertiques immaculées,
simplement peuplées de quelques grandes avenues poussiéreuses,
de saloons bruyants et de prisons aux cellules bondées.
On imagine le grand Robert,
accoudé à un piano, dans un de ces bars miteux que le
far-west collectionnait, coiffé d’un haut de forme,
une blonde à la main droite, une bière dans l’autre,
devant une assistance clairsemée, peu attentive et
braillarde, chantant ses histoires d’amour et de désamour
avec cette voix rocailleuse, toujours aussi fausse et
pourtant toujours aussi fascinante, l’air vaguement éméché,
les yeux dans le vague.
Ce disque enquille les
merveilles comme d’autres enquillent les chansons
insignifiantes. La fin du disque est à ce titre un vrai
délice, d’un Workingman's Blues (au piano qui mettrait à
genoux le pire cœur de pierre qui existe) à Neetie
Moore (où la mélodie et la voix de Bob ne font
qu’un).
Et pour finir en beauté, Dylan nous pond un Ain't
Talkin' qui n’aurait pas dépareillé sur Blood
on the Tracks (ou plutôt sur sa version bootleg
enregistré quelques jours avant à NY dont on ne louera
jamais assez la qualité). Une chanson d’une beauté
et d’une douceur froide, au texte d’une violence
inquiétante. Un morceau comme il en a peu écrit (et
comme peu d’artistes en ont écrit) ces 20 dernières
années.
Un titre qui serait une bien belle façon de conclure une
carrière (et un nouveau disque) passionnante qui aurait
été parfaite sans la décennie maudite (en tout cas
pour lui). Et pourtant égoïstement, on ne souhaite
qu’une seule chose : continuer encore pendant
longtemps à sucer délicatement ce genre de sucrerie…
Olivier
Combes
Tracklist
:
01. Thunder On The Mountain
02. Spirit On The Water
03. Rollin' And Tumblin'
04. When The Deal Goes Down
05. Someday Baby
06. Workingman'S Blues 2
07. Beyond The Horizon
08. Nettie Moore
09. The Levee'S Gonna Break
10. Ain'T Talkin'
Date
de sortie
:
28 août 2006
Plus+
www.bobdylan.com
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