The
Coral - Nightfreak
& The Sons Of Becker
Epic /
Sony - 2004
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« Où en est la pop anglaise en 2004 ? »
Ecouter The Coral c’est en quelque sorte
fournir une réponse à cette question tant les
Liverpudliens semblent porter sur leurs frêles épaules
tous les espoirs d’une nation. Blur a découvert
les joies de l’expérimentation et de l’éclatement
des frontières ; Suede a jeté l’éponge ;
Belle and Sebastian éblouit mais ne jouera
jamais le jeu du show-business à fond ; Oasis…
oui, bon, mauvais exemple…
Reste The Coral donc, 6 fumeurs de shit à peine
sortis de l’adolescence. Et paradoxalement, il
semblerait que la Perfide Albion ait cette fois tiré le
bon numéro. Car ces branleurs là possèdent tout
simplement assez de talent (et de roublardise) pour
assumer leur statut de chefs de file, c’est ce que ce
vrai-faux 3ème album prouve à chaque
seconde.
Comment
passer le cap de ce désormais célèbre
difficile-troisième-album ? The Coral
semble avoir trouvé la parade ultime : en en
faisant une sorte d’album fantôme. Plutôt que
d’avoir à subir l’inévitable pression des médias
et l’attente du public suite à un Magic and
Medicine auréolé de ventes inespérées (en
Angleterre du moins), la bande à James Skelley désamorce
totalement la chose en enregistrant inopinément une
collection de chansonnettes bizarroïdes publiées à 75
000 exemplaires à peine, sans promo, sans single, sans
tournée.
Une sorte d’OVNI dans le paysage musical actuel, un
acte totalement gratuit et égoïste… Ou presque :
il démontre en effet que ces prétendus gamins
irresponsables voient loin, et qu’ils n’envisagent
probablement pas de continuer à enregistrer des albums
de pop psychédélique réservés aux happy few. Nightfreaks
and the Sons of Becker doit être appréhendé comme
une sorte d’exorcisme, d’ultime pétage de plomb
avant la reconnaissance.
La démarche rappelle fortement celle des Super Furry
Animals, qui juste avant de livrer leur disque le
plus accessible et commercial (Rings Around the World),
s’étaient lâchés sur le sublime Mwng, album
enregistré à la va-vite et entièrement chanté en
gallois.
Petite mise en garde donc à ceux qui espèrent
retrouver sur Nightfreaks… les pop-songs acoustiques
qui illuminaient Magic and Medecine : pas de
Leiza ou de Pass It On ici, mais du
brutal, du déjanté, du psychédélisme forcené (Song
of the Corn, très, très envapé, rien que le
titre…). Ces sales garnements au talent éhonté
excellent donc aussi bien dans un registre plus brut,
plus « rock » en somme (Auntie’s
Operation, Migraine, déjà un classique) que
dans celui, plus mélancolique, voire élégiaque,
qu’on leur connaît désormais (Precious Eyes, Sorrow
or the Song). Pire même, ils se paient le luxe
d’investir le domaine inédit pour eux des musiques à
danser via un Venom Cable discoïde, ou un Grey
Harpoon groovy en diable, comme du Cake largué sur
un radeau au beau milieu de la Mersey.
En une demi-heure à peine, The Coral confirme
tout le bien qu’on pensait d’eux en livrant un
disque plus sauvage, euphorique, inquiétant et beau que
la très grosse majorité de la production pop-rock
actuelle. C’est désormais chose sûre, l’avenir
leur appartient.
Laurent
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