Le
succès de Midi 20 de Grand corps malade a
alerté les maisons de disque sur un genre jusque là réservé
aux cafés culturels urbains et suburbains. Des garçons
et filles de tous âges venant se lancer sur les
estrades des bars de quartiers, plaçant leurs bouts rimés
esthétisants, leurs extraits de vie, leurs galères,
leurs jolies phases. Un genre sur lequel, un jour, un
musicien s’est penché ; faisant converger
musique et texte pour un mariage discographique d’un
nouveau genre. Original Slam se perçoit comme un
condensé un brin emphatique, -mais à quoi bon cette
intro et outro de maître loyal ampoulé présenté par
le professeur Arthur Ribo, tentant d’apporter
une caution ex-cathedra à un genre qui a très bien vécu
sans ça jusque là- de la scène slam française hors Fabien
Marsaud.
Et
comme dans toute compilation d’artistes d’horizons
variés, les sommets côtoient les creux ou la
controverse. Original Slam contient son lot de
perles. Au nombre de celles-ci on citera le duo bien
représenté sur cette compile : Souleymane
Diamanka et John Banzaï. En binôme ou séparément,
ils driblent les mots et se jouent de leurs phrases. Ils
mélangent amour des lettres et recherche de la phase
qui percute, par sa sonorité et son jerrican de sens,
sur lequel l’un ou l’autre vient gratter une
allumette verbale. On songe au Baudelaire synesthétique,
jonglant avec les sonorités autant qu’avec la
perception, quitte à laisser la narration s’envoler
un peu du quotidien.
Bien
en prise avec la réalité, qu’ils s’amusent à
transcender à coup de 220 V, on citera comme autres
grands moments de cette compile,
le vite d’Ami Karim ; soit
l’art d’expliquer au monde comment on mord la
vie par les deux bouts, comment on voit la même chose
que tout le monde, et comment pourtant on l’appréhende
différemment : pour qu’elle ait l’air juste un
peu plus belle, juste un peu plus littéraire. On note
aussi au même niveau d’ampérage, le Hé Jésus
de Gabriel H
et le bébé caillera de Delphine II
ou l’art de manier l’ironie et l’humour noir pour
arborer un regard acerbe sur la société contemporaine.
Au
rayon des presque réussites, on remarque les envolées
verbales et sonores de Nico K, qui jongle
intelligemment avec les "con"-sonances
mais perd un peu pied du côté de la narration,
ou l’alzheimer de Tsutone qui prend aux
tripes mais oublie ensuite de reprendre l’auditeur par
la main.
Puis
il y a quelques longueurs… L’un ou l’autre artiste
plein de conviction mais à la plume malencontreusement
dispensable. Qui trop fendard, qui trop ampoulé, qui
plutôt World singer que slammeur. On ne citera pas de
nom parce qu’on sait que le rodage n’est pas forcément
le meilleur moment pour juger d’une puissante mécanique.
Et,
à la conclusion, il n’y a que deux fautes de goût véritables
sur cet album. Elle a beau être présentée comme la
championne de France de slam – mais on se demandera
s’il y avait-il de vrais challengers inscrits au
concours ( ?)- Luciole dérape avec ses
textes à l’inspiration Prévertienne qui
renvoient l’auditeur à ses cours de « déclamation »
avec Mme Pierre en cinquième. Mais si, vous
savez quand on s’entraînait pour le concours annuel
de l’académie de la Ville de Bruxelles en plaçant
avec zèle et un flow chipé à la Comédie Française :
« le geai gélatineux geignait dans le jasmin ;
et de plus en plus vite : six cents petites truites
cuites ». Fastidieux. La seconde erreur étant à
notre sens de convier à ce grand banquet de slammeurs,
la formation Da Gobleen . Le combo rape de fort
agréable façon des thèmes chers au slam et tente de
faire voler en éclat, sans véritable réussite, les
frontières entre les genres. La ficelle est ici un peu
trop grosse, trop immédiatement perceptible pour véritablement interpeller l’auditeur découvrant un genre
encore méconnu sur CD. Et Da Gobleen est un
groupe de slam qui rappe comme un Svinkel trop
lettré… dommage.
Une
compilation qui sans doute surfe sur la vague d’un
engouement médiatique, qui fixe sur disque un panorama
un peu trop court du slam en France. Un abécédaire
un peu directif qui
met en lumière quelques véritables talents, dont on
reparlera évidemment à l’heure d’une carrière
solo qui ne devrait pas manquer de survenir. Et à ce
moment là on se vantera auprès de ses potes :
« attends mais ce gars là, je le connais depuis
la première compile Original slam, à l’été
2006.
Denis
Verloes
Tracklist
:
01. Arthur Ribo - Intro spéciale
02. Souleymane Diamanka - Les poètes se cachent pour écrire
03. Luciole - Frénésie
04. Ami Karim - Vite
05. Delphine II - BBR
06. John Banzaï - Pro-verbe
07. Da Gobleen - La Classe
08. Gabriel H- He Jesus
09. Delphine II- Bébé racaille
10. Arthur Ribo - Si
11. Afro - Afrika
12. Nico K - Leçon de sexophone
13. Les Triporteurs de mots - Mais dites
14. Luciole - Le coeur en miettes
15. Nico K - Trop bon trop con
16. Jheem - J'les aime quand même
17. Da Gobleen - Rien n'se perd
18. Tsutone - Alzheimer
19. Arthur Ribo - Conclu
20. John Banzaï et Souleymane Diamanka - Le meilleur ami des mots
Durée :
70’ 07’’
Date
de sortie : 24/07/2006
Plus+
Le
site officiel
Ami
Karim en live sur Youtube
Les
Nubians : clip feat. John Banzaï
L’espace
Myspace de John Banzaï
L’espace
Myspace de Souleymane Diamanka
La
chronique de l’album de Grand corps malade
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