musique

Iron & Wine - Our endless numbered days     

Subpop - 2004

 

 

 

    Ce disque est beau. Pas la peine d’en rajouter, Our Endless Numbered Days est de ces albums qui s’imposent d’eux-mêmes, tranquillement mais sûrement. On le sent dès la première écoute, on pourra y revenir dès que le besoin s’en fera ressentir. En d’autres termes : il vient de prendre place dans notre discothèque pour un bon moment.

 

    Il est l’œuvre d’un professeur de cinéma floridien père de 2 enfants, le dénommé Sam Beam - dissimulé sous le pseudonyme d’Iron & Wine donc. Evacuant miraculeusement toutes les scories que son CV pourrait laisser craindre (… prof… barbu… père de famille… qui joue du folk… Quelqu’un veut une verveine ?), Iron & Wine investit en même temps qu’il renouvelle subtilement le disque-de-coin-du-feu. Très convaincant dans le rôle de celui qui pourrait être Nick Drake à la place des Kings of Convenience (Naked as We Came, sublime), Beam séduit d’abord par son timbre de voix modeste et limité (dans un registre finalement assez proche, on est loin de l’angélisme d’un Elliott Smith), mais incroyablement chaleureux, et nous plaçant d’emblée sur un terrain de confiance.

 

    C’est alors clair dès le premier titre : le country-folk US minimaliste, sa mythologie des grands espaces, des hommes de peu de mots, des tourments pudiques, a une fois de plus réussi son coup. Et il n’est sans doute pas exagéré de dire que ce disque atteint de nouveaux sommets de grâce et de recueillement : les arpèges finement ourlés et déroulés de Sunset Soon Forgotten, la légèreté et la gracilité de Each Coming Night, touchent en plein cœur. Pas besoin de beaucoup lorsqu’on possède l’essentiel, à savoir les chansons : un piano, une guitare slide, quelques percussions, une voix féminine, et l’émotion est jouée. La pureté de la musique de Beam atteint son apogée sur Radio War qui accède quasiment au rang de chant religieux : on songe à Low et à ses psaumes fragiles et fiévreux.

 

    Non content de signer quelques perles sur un terrain somme toute familier, Beam se différencie de ses congénères indie-folkeux par son goût apparemment prononcé pour le blues acoustique : c’est le bourru Teeth in the Grass, ou le stomp de Free Until They Cut Me Down. Son art est alors celui du passeur, puisqu’il parvient avec une dextérité confondante à jouer sur deux tableaux : il apporte une sensibilité pop-folk dans un genre plutôt rustre, en même temps qu’il virilise en quelque sorte le folk délicat et intimiste. A plusieurs reprises, il allie directement les 2 styles, comme sur Cinder and Smoke, où son finger-picking vient se superposer à une rythmique claudicante pouvant figurer le bruit d’un cheval au pas.

 

    Mais tout ça n’est que théorisation superflue : lorsque Sam Beam prend sa guitare et pose son timbre de voix proche du murmure sur ses mélodies simples, on se tait et on écoute. Our Endless Numbered Days est un baume pour le corps et l’esprit.

 

Laurent