Sophia
- People are like seasons
1/2
City
Slang/Labels - 2004
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On s’était habitués à bien l’aimer,
après l’avoir logiquement respecté pour son
travail, Robin Proper-Sheppard . Débarqué dans
notre paysage musical d’étudiant, par le biais d’un
ami qui avait entendu un des titres de Sophia sur
Radio Campus à Bruxelles, les compositions mélancoliques
de l’album Fixed Waters en 1996 n’avaient pas
tardé à toucher notre cœur. Tristes, à la limite de
la folk music pour le côté vocal et aux frontières de
la rage du rock pour les parties guitares, on apprit que
plus tard que cette tension continue au fil des plages
d’un album, court autant qu’ efficace, était la réponse
d’un entêté aux sorts de la vie. Un destin pas
cocasse qui retirait à Robin et à la vie, un de
ses potes musiciens. Un coup du sort qui emmenait avec
lui les espoirs fondés dans la formation londonienne The
God Machine à laquelle Robin donnait âme,
en compagnie du défunt et d’un autre ami rencontré
à l’université. Un coup dur qui adoubait la musique
de Sophia au rang de chevalier ès sincérité et
spleen, par le biais d’une voix de survivant,
meurtrie, marchant sur la lame du rasoir avec un blues
sincère. On en redemandait, tout en s’inquiétant de
savoir comment la formation pourrait retrouver plus tard
une telle justesse.
Dans l’intervalle on ne s’étonnait plus de croiser
les grand yeux bleus de Robin au détour de
nombre de concerts et autres festivals bruxellois, en
acteur ou spectateur ouvert et disponible. VRP de luxe
pour sa propre enseigne il ne cessait de gagner de
nouveaux auditeurs que le bouche à oreille et l’image
séduisaient immanquablement. The infinite circle
venait pourtant confirmer nos craintes, en 1998. Rentré
en studio, Sophia y cherchait la transition entre
mélancolie et pop enlevée, plus légère, plus
souriante aussi. On
ressentait que le groupe essayait de tâter d’un autre
univers sémantique, sans vouloir vraiment couper le
cordon qui le rattachait aux amateurs du premier opus.
Album hésitant mais pas inintéressant, il ratissait
plus large, aux confins d’un rock plus traditionnel et
toujours mélodique. Dans cette quête
d’ouverture et de passage à des jours meilleurs, Sophia
semblait perdre malheureusement cette sincérité vocale
et ce dépouillement qui faisaient étrangement, jusque
là, la
force du groupe. Un groupe qui persistait, sur la scène
des festivals ou de « hypes » cafés
parisiens, à confirmer tout le bien qu’on pensait de
lui et
continuait à vendre toujours plus d’albums, sans
aucun autre plan marketing que l’accessibilité et la
gentillesse.
People are like seasons
voit une période plus heureuse s’ouvrir pour Sophia
et sa musique. Plus grosse promotion, plus grosse
maison d’édition et… plus grosse production, se
mettent au service de cette formation revenante. Robin
et sa troupe enfoncent le clou frappé déjà à l’époque
d’Infinite. Les compositions se musclent, les
artifices sonores se multiplient et mettent plus de
chair sur ces quasi-squelettes faméliques qu’étaient
les chansons de Fixed Waters. On regrette encore
plus les compositions agoraphobes du premier opus, qui
les rendaient aussi diablement proches et émoustillantes.
Le groupe perd ici en sensibilité ce qu’il acquiert
en étoffe. Et ce n’est pas une production impeccable,
cliniquement sans défaut, qui vient remédier à cette
fuite de l’émotion.
Les compositions alternent,- toujours de très
bonne facture il faut le reconnaître-, entre évocation
intimiste et rock aérien. Beaucoup plus lisses que sur
les précédents opus, elles apparaissent comme un tout
où il est bien difficile de faire le tri et de repérer
les moments qu’on apprécie réellement, de ceux
qu’on apprécie par nostalgie ou par fan attitude. Sophia
trépigne dans son image de Sophia et aimerait
sans doute aller re-tâter du God Machine. On
se perd dans l’album aux chansons qu’on devine
belles, plus qu’on y trouve un quelconque tracé. Seul
Holidays are nice, affirmation péremptoire sur
un tic de notre vie quotidienne, semble réussir
le trait d’union impeccable entre l’ancien et le
nouveau visage de Sophia. Entre un groupe qui
pleure et un groupe qui recommence à sourire ;
entre le blues mélancolique et le rock salvateur, entre
un ami anorexique et celui qui se remet doucement à la
nourriture.
On
espère de
tout coeur que cet album sera celui de la consécration
pour cette formation qui la mérite depuis plusieurs années.
On espère pourtant que les prochaines sorties du groupe
nous le ramènent près du coeur et non derrière cette
vitrine où on les voit se démener sans vraiment
entendre le sens de ce qu’ils ont à nous dire.
Denis
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