The
Warlocks - Phoenix
Mute
- 2003
The
Warlocks : on ne choisit pas un tel nom au hasard quand on a pris
pour créneau celui d’un rock électrique au goût de
souffre. C’était en effet le premier nom du Velvet
Underground avant que Warhol ne passe par là,
mais également celui du Grateful Dead.
Le plus
logiquement du monde, avec un tel patronyme et de tels pères
putatifs, le groupe s’est fait une spécialité des
morceaux planants à base de riffs saturés déclinés
à l’envi par des guitaristes monolithiques. C’est
la vieille histoire du groupe de rock de base qui
cherche à propulser ses compositions minimalistes dans
l’espace. The Warlocks, c’est un peu le Spiritualized
de Jason Pierce sans les ambitions pharaoniques
et les métaphores (c’est donc pas mal Spacemen 3):
ici on appelle un chat un chat, et quand on parle
d’addiction, on parle de drogues et on ne convoque pas
l’Amour ou le fils de Dieu. L’instrumentation reste
d’un classicisme absolu (guitare-basse-batterie-orgue)
et les arrangements minimaux: bandes inversées, larsens
étirés jusqu’à plus soif, bruitages space-rock non
identifiés. On est plutôt direct (The Dope Feels
Good), et on distille assez de sons lysergiques pour
envaper la moitié de San Francisco, d’où le groupe
est originaire. On porte des shades dans la pénombre de
la salle de répétition (enfumée, la salle, très
enfumée…), le cheveu plutôt long et raisonnablement
huileux portés dessus le cuir noir élimé par 35° à
l’ombre. Bref, on est coooooool.
Le pire
c’est qu’au delà des inévitables clichés que le
genre pratiqué convoque, ça fonctionne, et très bien
encore. Car le groupe ne lésine pas sur les moyens
employés (3 guitaristes, 2 batteurs!!) et surtout vit
son trip à fond, sans tricher: les morceaux s’étirent
volontiers au-delà de 6, 7 minutes, tous plus répétitifs
et lancinants les uns que les autres (ahurissant Cosmic
Letdown). Cerise sur le space-cake, les
Friscoans se révèlent très habiles lorsqu’il
s’agit de faire entrer leur psychédélisme électrique
dans le carcan d’une pop-song conventionnelle: irrésistible
Shake the Dope Out qu’on ne peut très vite
s’empêcher de reprendre en choeur, ou délicieux Baby
Blue qui pourrait bien leur ouvrir les portes des
charts les moins frileux.
Après les redoutablement efficaces Black Rebel
Motorcycle Club, la West Coast s’est donc découvert
un nouveau chantre d’un rock planant et subversif.
Plus extrémiste encore que le trio de Robert Turner,
plus rétro, The Warlocks sont ce groupe à la
fois dangereux et confortable (leurs chansons droguées
provoquent véritablement un bien-être cotonneux
rapidement addictif…) qui marque la fin des idéaux
bons enfants et des illusions béates: pas sûr qu’ils
sonnent si décalés que cela dans cette Amérique début
de siècle.
Laurent
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