Friends
Of Dean Martinez - Random
Harvest
Glitterhouse/Chronowax
- 2004
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Bill Helm, fondateur et seul membre véritablement
permanent des Friends of Dean Martinez, est
originaire de Tucson (prononcer « tousson »),
Arizona. Comme Giant Sand, duquel il faisait
d’ailleurs partie à une époque. Ou comme Calexico
bien sûr, l’autre groupe phare de la ville.
Alors quand débute So Well Remembered, premier
titre de Random Harvest, on se dit que même
s’il a déménagé à plusieurs reprises depuis ses débuts
(Los Angeles, Austin), il se souvient en effet très
bien de l’univers de ses premières années. Le désert…
Les cactus… le sable… les lézards… On ferme les
yeux et la magie opère instantanément : tout
comme les deux groupes auxquels il renvoie
immanquablement, Friends of Dean Martinez c’est
d’abord une grosse cargaison d’images burinées et
chères à notre cœur d’aspirant pistolero. Si les Américains
n’ont pas leur pareil pour filmer les paysages qui
forment partie intégrante du mythe de l’Ouest, ils
ont également toujours le secret pour composer la
musique qui va avec.
Mais qu’on ne s’y trompe pas : Friends of
Dean Martinez n’est pas un vain plagieue, un
vulgaire ersatz des 2 groupes auxquels il est lié. Helm
préfère laisser de côté le songwriting (le disque
est purement instrumental), ainsi que les apparats les
plus voyants du folklore tex-mex (pas de mariachis
donc), afin de mieux poursuivre sa propre voie :
celle d’une country atmosphérique chassant régulièrement
sur les terres du post-rock. « De la post-country
alors ? » vous demandez vous avec la rapidité
d’esprit et la sagacité qui vous caractérisent si
souvent (faut soigner son lectorat) ? Pourquoi pas.
Random Harvest
réussit à toucher, à convoquer des réactions
purement sensorielles, à faire naître des images très
concrètes et bien définies, tout en créant une
musique très abstraite et théorique. Les morceaux sont
souvent liés les uns aux autres, constituant soit un
prolongement naturel, soit une réponse logique :
l’enchaînement The Winter Palace/Random
Harvest est à ce titre très réussi, donnant
l’impression un peu cocasse d’entendre Mogwaï
soudain télé porté à son corps défendant en plein
milieu du désert avec ses seules pédales d’effet
comme rempart contre le soleil. Plus loin, Why Does
My Heart Go On Beating constitue une longue intro
planante à l’un des morceaux de bravoure du disque,
le sublime et bien nommé Lost Horizon, qui mêle
à la perfection guitares électriques et acoustiques
dans un même élan empreint de cet inimitable sens
latin du tragique.
La traversée s’achève sur l’apaisé Nowhere to
Go, tout juste secoué en son milieu de furieuses
embardées soniques presque métal. Nulle part où
aller. Le groupe l’a bien compris, lui qui laboure
sans cesse le même sillon, se nourrit et provoquer les
mêmes images sans pour autant stagner : de ce désert
là on ne peut, ni même veut échapper.
Laurent
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