Devendra
Banhart
- Rejoicing
in the Hands
Young God Records/Beggars Group/Naive - 2004
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Son
premier album s’intitulait Oh Me Oh My… The Way
the Day Goes by the Sun Is Setting Dogs Are Dreaming
Lovesongs of the Christmas Spirit (Oh Me Oh My
pour les intimes) et certaines chansons étaient
enregistrées sur un répondeur téléphonique. Il a le
poil long et dru (y compris sur le visage, les spécialistes
appellent ça une « barbe »), il n’est pas
rare de le voir se produire sur scène assis en
tailleur, et il ne fume probablement pas que du tabac.
Son parcours en lui-même est assez atypique : prénommé
d’après un gourou Indien que ses parents avaient
suivi, il a grandi au Venezuela, puis à son retour aux
USA, entame une carrière de troubadour moderne à
travers tout le pays.
En d’autres mots, Devendra Banhart marque le
grand retour d’un folk artisanal et profondément
hippie. On est assez loin des enluminures pop d’un Elliott
Smith, du crossover electro très hype (quoique
excellent) d’une Feist, ou même du paupérisme
d’un Bill Callahan (Smog). Ici, les
instruments sont régulièrement désaccordés, les
enregistrements faits un peu à l’emporte-pièce, et
surtout, on revient à l’esprit originel, aux racines
mêmes du genre.
This Is the Way
ne pourrait ainsi pas constituer meilleure ouverture à
ce disque hors-norme (au sens propre du terme) :
c’est à la musique des Appalaches, mère de toutes
les musiques américaines, que renvoie cette touchante
profession de foi du songwriter. Les mélodies de The
Body Breaks ou This Beard Is for Siobahn font
quant à elles penser au music-hall des années 20 ou
30.
Ne pas tirer de conclusions hâtives cependant, en
imaginant un artiste passéiste. Banhart utilise
avant tout le passé pour servir l’authenticité de
son propos, et non pas pour nous ressasser un
traditionnel et inutile « c’était mieux avant ».
Un titre tel que Will Is My Friend, à
l’innocence et à la pureté insensée, n’aurait très
certainement pas la même portée avec un autre
habillage que celui dont il est affublé.
Les influences de Banhart ne sont pourtant pas
uniquement américaines, bien au contraire. Ses paroles
dénuées de tout commentaire social ou même réaliste
(même s’il part très souvent de l’observation du
quotidien parfois le plus prosaïque), et laissant la
part belle à la fantaisie la plus débridée, au surréalisme,
l’éloignent de la tradition US des conteurs et le
rapprochent énormément d’un Syd Barrett et
surtout d’un Marc Bolan période Tyrannosaurus
Rex (l’ancêtre folk de T-Rex). Il n’a
pas son pareil pour créer des images extrêmement évocatrices,
comme celle décrivant ses dents dotées d’une vie
propre et capables de danser (This Beard Is for
Siobhan). Sa musique se pare alors d’atours
absolument charmants et irréels qui accentuent sa
joliesse et finissent de la rendre extrêmement
attachante.
Au final, Rejoicing in the Hands nous laisse avec
le sentiment d’avoir découvert non seulement un
talent absolument singulier (unique même à l’heure
actuelle, il faut insister là-dessus !), mais un
joyau à l’état brut. Outre l’impression d’être
dans la même pièce que son auteur alors qu’il défile,
ce disque laisse entrevoir l’énorme potentiel à la
fois d’un songwriter multiple (s’appuyant sur la
tradition country, blues, mais aussi sur le folk anglais
et la lo-fi contemporaine), et d’un interprète
versatile (voix grave, haut-perchée, minauderies,
scansion un peu inquiétante, il multiplie les pistes).
Les quelques arrangements présents ici et là (piano,
percussions, voix féminine) laissent entendre que Devendra
Banhart ne se contentera probablement pas de son
(pour l’instant) éternel habillage guitare-voix. Et
quand bien même, il dispose de suffisamment de talent
et de charisme pour nous ravir encore longtemps de ses
comptines décalées.
Laurent
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