musique

Rien - Requiem pour des baroqueux     1/2

Un Dimanche - 2003

 

 

    

    C’est toujours difficile de commencer un article pour parler de Rien. Voilà, j’ai réussi à placer une vanne pourrie. Vraiment pourrie. Il sont trois ou dix selon les titres, publiés sur un label Grenoblois (Un Dimanche), et ont sorti ce somptueux album en avril 2003 : premier LP après différentes apparitions scéniques et compilatoires. Remarqué depuis quelques temps, il aurait été dommage de ne pas parler de ce joli coup de maître dans le paysage musical français.

 

    Au commencement est le vide. Puis Rien apparut. Le groupe nous invite alors dans le cosmos, à partager 7 titres, 7 journées musicales ininterrompues quelque part après leur big bang . Là en Dieu du son, Rien s’applique à parachever sa création d’une nouvelle planète.

Requiem pour des baroqueux part I, morceau d’ouverture de l’album, nous explique au fil d’un titre de plus de 20 minutes la genèse de ce nouvel îlot dans le vide sidéral. Ca pourrait taper sur le système, tomber dans la redondance ou le nombrilisme. Il n’en est… rien. A coups de subreptices arpèges de guitares, en petite touches de litanies issues de quelque grimoire magique, Part I réussit la gageure de dresser le décor et de se hisser à la place enviée de morceau indispensable. Une fois achevée cette présentation, cette création de nouvelle planète musicale ; il ne reste plus aux musiciens qu’à disposer tout le petit personnel qui viendra l’habiter… La basse prend le relais, les guitares se font plus mutines, enlevées ou rageuses relayées par l’électronique omniprésente.

 

    Question influences, on reconnaît pêle-mêle la crème du post–rock, mais aussi les musiques électroniques pour films imaginaires de Snooze ou Arca par exemple. On repère l’ombre de Robert Wyatt, les melting-pots de Pink Floyd ou la fragilité lyrique et mentale de Syd Barrett. Pour les sous-titres des chansons, c’est du côté de samples d’oraison funèbre au général De Gaulle, d’entretiens avec le professeur Picard, ou de retransmission télévisée de l’assassinat de Kennedy que Rien va chercher ses couleurs vocales. Etrange mélange de styles, de genres et de méthodes qui se fondent étonnement bien dans le « grand tout ». Influences en clair-obscur qui s’enchaînent se répondent se glissent les unes sous les autres ou se complètent pour définir l’univers de Rien

 

    Après écoute de ces 7 titres, on se rend compte que le nouveau monde inventé par Rien ne sera pas plus rose que celui dans lequel nous vivons, inspiré par lui et étouffant comme celui que nous connaissons. Est-ce le seul univers que les humains du vingt-et-unième siècle sont capables de créer avec brio ? On est en droit de penser que c’est ce qu’imagine Rien. Un monde ou Rien crée, mais rien ne se crée ; un monde ou Rien se perd, mais rien ne se perd. Requiem pour des baroqueux part II, titre final et symétrique, similaire et différent, clôt nos premiers pas, déjà historiques, dans ce nouveau monde. Rien nous lâche sous la boue, sans air, les poumons endoloris. Libre à nous de mourir ici, ou de revenir échouer sur notre bonne vieille terre (à terre), pour tenter d’y respirer la même absence d’air.

 

Denis