Kings of convenience - Riot on an Empty Street
1/2
Source/EMI - 2004
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Aïe aïe aïe… On imaginait bien qu’il ne serait
pas aisé de donner un successeur à ce Quiet Is a
New Loud d’île déserte, disque hors du temps ne
ressemblant à rien de ce qui peut s’enregistrer
aujourd’hui… Mais on n’imaginait certainement pas
ça. « Ca » c’est un disque qui nous
laisse inexorablement indécis, sans opinion véritablement
tranchée…
Concrètement, Riot on an Empty Street c’est
« Kings of Convenience 2 le retour (ils
reviennent et ils sont toujours tendres) ». Sauf
que non, pas exactement. Mais beaucoup quand même. Et
pas assez en même temps… Bref, vous voyez un peu le
casse-tête…
Bien sûr, et malgré les pérégrinations européano-clubbesques
d’Erlend Oye (l’autre moitié du groupe, Eirik
Glambek Boe, dans toute sa classe
kingsofconveniesque en a profité pour terminer ses études
de psychologie), on n’imaginait pas un changement
radical de direction. Mieux même, on ne le souhaitait
pas. Homesick constitue ainsi une entrée en matière
rêvée pour ceux qui se languissaient de retrouver le
duo acoustique : « je perds quelques ventes
et mon patron va faire la gueule mais je ne peux m’arrêter
d’écouter ces 2 douces voix mêlées à la perfection »,
soit très exactement la traduction par les mots de
l’essence du groupe, sur fond d’arpèges électro-acoustiques
divins. Un de leurs meilleurs titres assurément. Cayman
Islands continue dans cette même veine miraculeuse,
comme du Nick Drake susurré par des Simon and
Garfunkel au touchant accent norvégien :
sublime. Tous les morceaux acoustiques en vérité, sur
lesquels les 2 comparses rivalisent en parfaite harmonie
de délicatesse et d’émotion contenue, sont de véritables
moments de grâce pure (Gold in the Air of Summer).
La participation pourtant très à propos de la délicieuse
Leslie Feist sur 2 titres s’apparenterait ainsi
presque à une intrusion dans un univers qu’on
imaginait éternellement dual.
Pourtant, déjà, le malaise (que voilà certes un bien
grand mot !) s’installe. Ce titre d’abord (Emeute
au milieu d’une rue déserte) : plus qu’un
prolongement évident, n’est-il pas un écho paresseux
et dévalorisé à ce Quiet Is a New Loud
puissamment revendicatif, véritable déclaration
d’intention esthétique voire philosophique ? Et
pourquoi avoir repris, note pour note, inflexion pour
inflexion, Surprise Ice qu’on trouvait déjà
sur le premier album ? Bien sûr, les Kings of
Convenience ont en quelque sorte fait de
l’immobilisme une véritable profession de foi mais là…
L’album contient pourtant dans toute sa partie
centrale des titres plus enlevés, plus arrangés. Oh,
ils ne sont pas mauvais, loin de là, et ils feraient le
bonheur de bien des songwriters tiédasses et sans
inspiration. Seulement quand on a épinglé à son
tableau de chasse des Toxic Girl, des Weight
of My Words ou aujourd’hui donc des Homesick,
des titres comme Sorry or Please ou Live Long
font pâle figure.
Alors quoi ? Retour à la case départ. Ce disque
est bon, voire très bon, et il y a fort à parier
qu’il séduira sans retenue ceux qui découvriront le
duo par son biais. S’il était paru avant son prédécesseur
nous aurions peut-être même là aussi parlé de chef
d’œuvre. Mais de manière très égoïste et sans
doute injuste, on aurait presque souhaité que Quiet
Is the New Loud reste un disque isolé, gratuit, héroïque
et surtout unique.
Laurent
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