Quasimojo
- Savant Garde
mira/discograph
- 2003
|
|
|
|
Quasimojo sort son troisième album, premier opus à
atteindre nos oreilles, grâce au travail de propagation
du label Mira et de la diffusion française de Discograph.
Il
est des albums qui mangent à tous
les râteliers et qui sombrent dans la plus plate
imitation des sources auxquelles ils s’abreuvent.
D’autres albums qui se posent aux frontières des
genres et peinent à trouver une voie qui leur soit
propre. Lassant. Ce n’est pas le cas de cet essai de Quasimojo.
Il ne lasse jamais, pourtant il s’en est fallu
d’un cheveu, pour ce disque qui refranchit en sens
inverse les frontières posées entre la pop, le trip
hop, le rock shoegazzer, et l’échantillonnage
intelligent d’une certaine musique électronique.
Imaginons un album de Mike Paradinas aka µ-Ziq,
fait de "bleeps" et de "tweets", qui
rencontrerait les mélodies pops synthétiques des
belges d’Hooverphonic. Sans les prises de têtes
du premier, sans la guimauve des seconds. Avec plus d’énergie
et moins de brouillard. La vocaliste Maureen Spillane
rend humains les bidouillages électroniques de Locksey
Taylor qui en retour, servent d’écrin à sa voix.
On compte ses apparitions au fil de savant garde,
et on se rend compte que son organe est largement
sous-exploité sous les montages électroniques.
La section rythmique ne relâche quant à elle
jamais la tension, sans pourtant éclater du côté des
gimmicks guillerets ou des standards de la pop.
L’ensemble devient même presque gothique à certains
moments, tandis que certaines « vagues »
soniques rappellent Slowdive ou les très régulièrement
cités en exemple My
bloody Valentine.
Mélange de neuf et d’ancien, de souvenirs musicaux et
de créativité musicale, Quasimojo flirte avec
la redite et les éléments usés à force d’avoir été
entendus, mais arrive à assembler ces briquettes de
musique en des morceaux modernes, novateurs ; plutôt
sombres mais fondamentalement humains et présents. On
perçoit dans la première partie de l’album une véritable
volonté de démarcation par rapport aux règles établies
de la pop et de l’intelligent techno. Loin aussi des
faciles scies trip hop en fin de carrière, les morceaux
sont ici déstructurés, déconstruits et musclés. Un véritable
nouveau regard sur une musique pourtant usée au coude.
Un regard qu’on sent réfléchi et volontaire. Comme
le manuel explicatif d’une démarche artistique précise.
C’est peut-être d’ailleurs un excès de réflexion
et une volonté sans cesse répétée de déstructurer
les canons de la musique trip hop, pop, rock, auquel
chacun des titre s’attaque, qui donne à l’auditeur
cette presque désagréable sensation de baisse de régime
sur la seconde partie de l’album. Il perd en
sensibilité et en immédiateté autant qu’en
surprise. Est-ce aussi un hasard si cette baisse de régime
correspond à une quasi absence de la voix de Spillane
sur certains de ces titres ?
Au final, un très bon demi album, qui reprend à son
compte le meilleur de l’électronique et la capacité
à emmener l’auditeur en des nappes de sons, comme au
bon vieux temps de l’orée des 90 ‘s. Et une seconde
partie d’album qui peine à atteindre les sommets
atteints par la première partie. 4 titres qui courent
après l’efficacité des 6 premiers sommets, sans
jamais les atteindre vraiment. Un plaisir en demi-teinte
donc. Mais un beau plaisir quand même.
Denis
|