Laurent Garnier
- The cloud making machine
Fcom
- 2005
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Un tel disque, d’un tel "personnage", va
laisser indifférent, ou diviser. Accueilli avec
admiration et respect, son originalité et sa radicalité
(relatives : il faut les confronter à la
discographie de Garnier plus qu’à l’ensemble
de la production actuelle) en font un objet étrange,
intriguant si l’on décide de se pencher dessus.
La première question que semble s’être posé Laurent
Garnier, c’est quel genre de musicien il veut
devenir. On peut, pour simplifier, tracer arbitrairement
deux façons d’être. Quand un artiste reste présent
plus d’une quinzaine d’année, on le voit soit creuser
patiemment son sillon, soit tenter un radical
repositionnement. La première catégorie peut fasciner
par son obsession du détail, ses variations sur un même
thème. C’est l’infiniment petit musical. Les seconds surprennent
par leur re-création, leurs nouveaux départs. Ils visent
l’infiniment grand musical, qui peut paraître plus
impressionnant parce que le changement est plus visible.
En
matière de musique techno, Garnier a tout fait, a
peut-être même tout porté. Du moins bon au meilleur, il
a aussi tout publié : des albums plus ou moins achevés,
des mix souvent impeccables dont le dernier, cinq CD, résonne
comme un bilan intermédiaire, et même un livre-témoignage
qui venait légitimer un parcours, le dire, l’éclairer,
le fonder.
Que faire alors ? The cloud making machine :
l’inverse, le contre-pied, exactement ce qu’il
n’avait pas encore fait jusque là. C’est la première
chose qui se remarque, puis fait sourire, ou ennuie, ou déçoit,
ou attire : quasiment aucun morceau, au moins dans
les deux premiers tiers de l’album, n’est identifiable
comme du Laurent Garnier. Plus de passé, plus de
racines repérables : une redéfinition de sa
musique. On peut alors continuer à l’ignorer, ou réécouter
l’ancien, ou bien partir à la découverte du nouveau.
Qu’y entendra-t-on ? Rien de révolutionnaire
(puisque le disque n’est qu’une révolution
personnelle), mais un album très calme, souvent serein,
parfois inquiet, angoissé ou enragé, tout en retenue
mais béat de tension dans cette retenue. Les morceaux
s’étirent dans le calme, aérés, presque éthérés ( 9.01-9.06,
Barbiturik B1) ; on atteint évidemment parfois
de la pure beauté (Act 1 minotaure ex, huis-clos).
Et à la moitié de l’album, on retrouve ce désir de Garnier
de ne jamais rester le même : il s’est éloigné
d’une forme classique de techno pour aller vers le calme ?
Il ne va donc pas s’y installer…et le disque de partir
à nouveau vers d’autres pistes : un spoken-word évoque
la stupeur face à son pays qui vote, sur un rythme électro/hip-hop
qui ne démarre jamais vraiment, bifurque vers une
drum’n'bass retenue, contenue, au bord d’une explosion
qui ne viendra jamais. Dès lors tout peut s’accélérer,
du moins s’emballer un peu, et on sent le bonhomme
retrouver l’envie de rythme, et réfréner cette envie (Controlling
waiting the house part 2). Puis s’amuser avec
sa culture musicale en refaisant le velvet ((I wanna be)
for my plane). Échevelé, le disque peut alors finir
où il veut, comme il veut, avec des enfants ou avec de
l’électronique, qu’importe. Garnier a réussi
son pari : on ne le reconnaît plus.
S’il a creusé au fil des ans un sillon qui est sa
marque, et vers lequel il peut retourner , il montre aussi
qu’il peut changer de chemin, emprunter des voies imprévues,
amener vers son inconnu. Ce n’est pas un moindre plaisir
que de découvrir ce (ceux) que l’on pensait bien connaître.
Matthieu
Jaubert
Tracklist :
1. The Cloud Making Machine pt 1
2. 9.01 - 9:06
3. Barbiturik Bl
4. Act 1 Minautore Ex
5. First Reaction ues
6. Huis Clos V2
7. Controlling Waiting the House part 2
8. (I wanna be) for my Plane
9. Jeux d'Enfants
10. The Cloud Making Machine pt 2
Date
de sortie : février 2005
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