musique

S.ink - Time and timing    1/2

Poeta Negra/chica-chic - 2003

 

 
 

    Quand votre rédacteur en chef vous demande de chroniquer une galette, vous avez rarement le choix : il faut vous exécuter. Quand le Cd qui débarque sur votre lecteur déboule de Thessalonique en Grèce, vous vous rendez compte que vous êtes un sale con. Vous partez avec suffisamment d’à priori pour être taxé de raciste ordinaire par n’importe quelle association de défense des droits l’homme. Vous êtes un sale con et S.ink se plaît à vous le démontrer de la meilleure façon qui soit : par le biais de la musique.

 

    Time and timing est l’enregistrement, en prise directe, du résultat d’heures et d’heures de jam forcenées dans le studio du groupe grec. Impressionnant de justesse il est vraiment difficile de croire que cette production qu’on imagine léchée, coupée, saucissonnée, finie… est, en l’espèce, à attribuer à la qualité des musiciens rassemblés au moment de l’enregistrement.

La musique de S.ink ? Du post rock. Simple, direct, efficace. Point ici de recherches de nouveauté, pas d’exploration dans le monde de la musique de chambre ou dans les recoins de la pop à voix. Du post rock. Point final. Comme à ses pas si lointaines origines, et de très bonne composition. Finalement assez éloigné de ses actuels fleurons.

 

    On se rappelle le revendicatif young team de Mogwai, où les compositions arrivaient à pas de souris, entraient discrètement dans l’oreille, avant d’investir nos conduits auditifs à force de vagues de guitare en tempête, s’échouant entre enclume et étrier… Il y a quelque chose de cette même marée du côté de l’Egée. Mais est-ce parce que la méditerranée n’est pas connue pour ses équinoxes… On a le sentiment de se retrouver sur des plages musicales, où échouerait l’écume d’une tempête qui a du se produire quelque part en haute mer. Restes de voile, de cale, de pont ; squelette de batterie jazz, nappe de clavier, loop de « métro » arpège  de cordes… Une tension dans cette onde qu’on devine capable de bien des emportements. Une tension qu’on soupçonne, mais qui n’éclatera jamais vraiment –ou si peu- dans nos oreilles.

Les compositions finissent sur le rivage comme autant de lames sonores en bout de course. Tout commence par un signe, un cliquetis, une résonance d’ampli poussé en puissance. S’en détache une guitare, un frétillement de « charlé », un petit morceau de clavier kraut ou l’ébauche d’un morceau du TNT de Tortoise, noyé sous la disto en arrière plan. Ensuite vient la rythmique cyclique et très pure, les arpèges de guitares. Ils camouflent l’âpreté du combat contre les éléments qui a eu lieu à l’insu de notre ouïe. Les patterns se répètent ad libitum jouant de leur répétition pour augmenter l’ambiance, le sentiment de tristesse qui point en l’auditeur. Les titres s’achèvent, venant mourir entre nos orteils. A nous de faire attention où on met les pieds.

 

    La mer est bleue, le ciel est bleu : une mousse verdâtre lâche des morceaux de compositions rock devant nos pas sur les galets. Etonnement. On se sent inquiet, comme à l’époque de Pornography  de Robert Smith ou dans les sections musicales des films de David Lynch. En petites touches très fines et infiniment bien agencées, S.ink réussit à donner aux rivages de la baie de Salonique des airs de côte bretonne battue par des embruns parcimonieux. Tout en romantisme, points de rupture, spleen et noirceur. On quitte le disque en regardant le sol, mélancolique (peut-être est-ce pour cette raison que la pochette de l’album consiste en une photographie mosaïque de pavés ?). Une œuvre qui remue sans pour autant chercher l’originalité à tout prix, un groupe dont on aimerait croiser l’univers lors d’un hypothétique concert européen. Un pur moment de plaisir… grec, pour un sale con. Mea culpa.

 

Denis