Sondre
Lerche - Two way monologue
1/2
Astralwerks/Virgin - 2004
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Il faudra un jour sérieusement se pencher sur le cas
Bergen, cette petite ville de la côte Ouest de la Norvège.
Une destination pour le moins improbable qui figure
pourtant parmi les viviers de la musique actuelle :
dans des genres diamétralement opposés, les électroniciens
hype de Royksopp, les folkeux sublimes de Kings
of Convenience ou les délicats country-rockers de AI
Phoenix, pour ne citer que les plus réputés, en
sont originaires. Est-ce dû à l’air marin fouettant
jadis la sanquette des vikings et aujourd’hui les
neurones de leurs descendants, au saumon, à la crème
hydratante pour les mains, à quelque alcool local
encore ? Mystère et boule de graisse de phoque…
Toujours est-il que l’énigme s’épaissit avec la
sortie du deuxième album de Sondre Lerche,
l’ambassadeur pop de la ville. Non content d’avoir
créé la sensation avec son excellent Faces Down
de 2000, le voilà qui enfonce son clou doré avec un
disque absolument merveilleux : à ce niveau là,
on ne peut plus seulement parler de révélation, ni de
talent précoce (premier album à 17 ans, il en a
aujourd’hui 21), mais bel et bien de prodige.
Surpassant avec une (apparente) facilité déconcertante
son prédécesseur, le malingre Sondre
s’affirme comme LE songwriter pop de demain, celui qui
nous vengera des accès de mégalomanie et de boulimie
d’un Rufus Wainwright, et qui assumera sur ses
frêles épaules le futur d’une pop à la fois
extravertie, élégante, légère et sophistiquée.
On ne sait véritablement ce qui épate le plus dans ce
disque… Est-ce le songwriting, et ce talent de mélodiste
hors-pair qui lui fait encastrer et enchaîner les mélodies
resplendissantes les unes après les autres ?
Est-ce encore cette science des arrangements, avec
notamment des cordes comme soufflées par quelque brise
du Pacifique qui se serait échoué dans son studio (il
revendique l’influence du mythique Van Dyke Parks
et de son immense Song Cycle, on songe également
très fort au travail de Sean O’Hagan des High
Llamas, qui l’avait d’ailleurs épaulé sur son
précédent effort) ? Cette manière
n’appartenant qu’aux très grands (je pense Paul
Mac Cartney ou Brian Wilson là, rien moins)
de se laisser porter par sa chanson tout en donnant
l’impression de la maîtriser de A à Z ? Ou bien
encore tout simplement, tout bêtement, la voix, sucrée,
sobre et élégante ?
Avec de tels atouts dans sa manche, Lerche peut
aisément alterner tempos lents, plus rapides, tonalités
acoustiques (en grande majorité), plus électriques
(rarement mais avec l’énergie adéquate comme sur le
sautillant Two Way Monologue), ambiances
intimistes, ou plus amples, tout lui réussit, tout lui
va à ravir : il peut investir avec un égal
bonheur les divers oripeaux de la chanson pop. Petite
cerise personnelle sur le gâteau, il réhabilite avec
classe un genre, le soft-rock (pratiqué surtout dans
les années 70 par des gens aussi divers que Gilbert
O’Sullivan, Bread, Steely Dan ou même
plus tard Prefab Sprout), qui bénéficie depuis
trop longtemps d’une bien mauvaise réputation.
Le seul hic finalement c’est que ce disque risque
malheureusement de ne trouver un écho que chez les
habituels happy few curieux et ouverts à la nouveauté…
C’est l’un des désagréables paradoxes du marché
musical actuel que de rendre confidentielle la musique
la plus accessible. Gardons espoir frères popeux, et
misons ensemble sur la reconnaissance prochaine (il a le
temps le morpion) de ce talent hors-norme qui apportera
joie, exaltation et bien-être dans vos foyers : écoutez
donc avant de dire que tout ça est très exagéré…
Laurent
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