Jeronimo
- Un monde sans moi
Anoraksupersport
- 2003
Attention petit phénomène belge! Depuis deux ans, à pas
discrets, la galaxie française se rend compte qu’il y
a une place pour les formations issues de la partie
francophone de la Belgique. Longtemps ignorées au
profit des géants des Flandres Deus, Zita
Swoon, Dead Man Ray et consorts, les groupes wallons
et bruxellois se voyaient cantonnés aux circuits réservés
des festivals discrets ou belgo-belges. Seules les
anglophiles Venus avaient à ce jour réussi à
passer les barbelés auditifs placés entre la France et
la Belgique francophone. Les distributeurs de
l’hexagone se réveillent enfin. Après Sharko
et Melon Galia en catimini, ils viennent de
publier Jeronimo…
On ne présentera plus aux Belges, le liégeois
Jérôme Mardaga alias Jeronimo. En 2001,
le single Ton éternel petit groupe ;
qui prend place à bord du présent CD, avait enflammé
la programmation de la radio alternative Radio 21 (un mélange
de France Inter, Couleur 3 et deOui FM belge).
En rotation intense sur la chaîne, Jeronimo s’est
vu ouvrir les plateaux des festivals de Dour et des Nuits
Botanique. Il y a quelque mois, la radio persistait
et signait avec ma femme me trompe également présent
sur le disque. Deux singles rock immédiats et
efficaces, emblèmes d’un album qui ne décevra pas
les auditeurs de la radio, tant il s’inscrit dans la
continuité : résolument formaté en hymnes
imparables pour bande FM.
Un monde sans moi, carte de visite de Jeronimo,
reprend une formule musicale en grâce ces derniers
mois. Un duo guitare-pédale d’effet en position
« disto » est la composante principale de ce
disque qui fait la part belle aussi aux nappes de
claviers puissants saturés et aux bidouillages
d’appui, lorsque Jérôme Mardaga ralentit le
tempo en des ballades faussement sages. La musique
rageuse lorgne vers les meilleurs moments de My
bloody Valentine, le premier Placebo ou les
énervements en vague de Slowdive. A
l’addition, les phases énergie rock/accalmies
rappellent franchement #3 de Diabologum ou
encore Expérience. Diabologum qui se pose
en qualité de maître à penser même de la ligne de
chant générale de l’album. Jérôme pose son
chant comme jadis Arnaud Michniak et Michel
Cloup ; et glane chez ses prédécesseurs
la thématique «petites inconséquences de notre
quotidien». Thématique qui, lorsque Jeronimo
s’adoucit, vient titiller le premier Statics ou
parodie le premier album de Jérôme Minière.
Jeronimo trouve son inspiration dans le réel,
et cherche à atteindre le « surréel »
marque de fabrique si chère à l’art belge. Pourtant,
n’est pas Katerine qui veut, et le quotidien de
Jérôme frise parfois l’indigence ou le
ridicule: j’appelle j’ai peur des américains,
si j’avais une fille à la barre… Il manque
à Jérôme cette poésie narquoise et
ironique dont usent les groupes sus-mentionnés.
Ce petit rien qui fait décoller les textes et nos jours
vers de plus hautes sphères. Ce clin d’œil qui
transcende notre quotidien mesquin en quelque chose de
plus universel.
La formule énergique, toute en guitares sauve néanmoins
l’ensemble et permet à Jeronimo de se placer
sans rougir dans la lignée du rock bruitiste à la française.
Et puis, un demi-plaisir c’est toujours mieux que pas
de plaisir du tout.
Denis
|