musique

Spiritualized - Amazing grace    1/2

Sanctuary/BMG - 2003

 

 

 

    Let It Come Down, précédent album de Spiritualized a divisé pas mal de monde, signant même pour certains fans l’arrêt de mort de leur groupe favori: trop d’arrangements, trop d’emphase, trop de cuivres, trop de chœurs, trop de références bibliques, trop, trop, trop.

 

    Le plus gros problème de ce disque hors norme était surtout de succéder à un véritable chef d’œuvre, un des meilleurs disques des années 90, l’élégiaque Ladies and Gentlemen We Are Floating in Space. Difficile de donner suite à un disque aussi émotionnellement fort, disque de chagrin et de douleur extrême qui fonçait sciemment droit dans le mur et réclamait un nouveau départ. De même après les outrances de Let It Come Down (et vas-y que je te convoque un orchestre de 7500 musiciens, 4 villages et 3 hameaux pour faire les chœurs…), néanmoins grand disque bâti autour de quelques chansons faramineuses, Jason Pierce aka Spaceman se devait de changer son fusil d’épaule.

 

    Amazing Grace lorgnera donc vers la simplicité. Toute relative bien sûr, on ne se refait pas. Ne pas croire dès lors les rumeurs annonçant un minimalisme faisant passer les disques des White Stripes pour des productions west-coast sans âme. Il suffit d’ailleurs de jeter un coup d’oeil aux titres des morceaux pour se persuader qu’il s’agit bien là du nouveau Spiritualized: Amazing Grace, Hold On, Lord Let It Rain On Me, The Power and the Glory, pas de doute, nous sommes en terrain connu. Pierce affectionne toujours autant les dialogues Terre-Ciel avec le Tout-Puissant, les histoires de rédemption, de pardon, de chute aussi… Nul mieux que lui parvient à mettre en forme la tristesse pure et dure, celle qui fait verser des larmes aux plus endurcis lorsqu’ils regardent derrière eux le cimetière de leurs résolutions et rendez-vous manqués.

 

    Spiritualized est ce groupe de l’extrême, capable de passer en un souffle d’une moulinette stoogienne roborative toute en distorsions et dérapages soniques (l’abrasif She Kissed Me (It Felt Like a Hit)), à une prière d’une pureté à couper le souffle (Hold On). Ce dernier morceau ferait d’ailleurs, pour les néophytes, une parfaite introduction au groupe: un chaos organisé beau comme un accident auquel succède une mélodie naïve qu’on jurerait tirée d’un cantique aux mots simplissimes (comme dans les prières les plus ferventes) et bouleversants: death cannot part us if life already has, hold on to those you hold dear.

 

    Beaucoup plus court que ses 2 prédécesseurs (43 minutes seulement au lieu de 70!), Amazing Grace fait ainsi s’alterner saillies bruitistes absolument jouissives et morceaux introspectifs nimbés de gospel, jusqu’à ce final apaisé(ant) sur lequel Pierce invite encore à la compassion (Lay It Down Slow). Le voyage aura été plus court que d’habitude, mais d’autant plus intense.

 

Laurent