Une
maman musicologue professeur de chant et de piano,
instrument auquel le fils ne manque pas de faire référence
dans un des plus sensibles textes de l’album ; un
père psychanalyste, un grand-père chef d’orchestre,
un chant en français, le goût du jazz… et voilà le
décor planté pour quelque musique néo-bobo qui
pullule dans les discussions du dimanche le long du
Canal St Martin.
En
fait non. Quelques mots dans la bio du bonhomme de 24
printemps accrochent d’abord le regard : « Tout
cela vient sûrement de ses premières amours qui
portaient des noms qui sonnent comme des paires de
claques : N.T.M., Ministère Amer, Assassin… Le
poing des mots, le choc des rythmes. Allez savoir
comment Nino Rota, Charlie Parker, Bill
Evans ou Thélonious Monk se sont rencardés
dans cette partie fine organisée par Babx. D’autant
que le jeune chien fou avait aussi improvisé une joute
musicale entre Ravel et Debussy, légèrement
pervertie par Iggy Pop et Tom Waits.»
Pas qu’on aie jamais vu pareille référence, on sait
qu’en matière de biographie, les attachés de presse
font en général dans la démesure, mais de voir Tom
Waits côtoyer NTM et Monk dans la même
phrase a de quoi laisser pantois.
Si les promoteurs de l’album grossissent
bien évidemment le trait, il faut reconnaître que Babx
est bien comme une sorte d’intersection entre
plusieurs traditions françaises,
ultra représentées, mais généralement
antinomiques. La
Grande tradition d’abord. Celle de la musique
orchestrale où le soliste au piano se découpe sur un
fond de grand orchestre. En limitant ses envies de
grandiloquence, Babx connaît pourtant la méthode
du mix, capable de faire détacher son instrument à
cordes frappées du reste de l’environnement. Il
applique la même formule à son chant qui se présente
très en avant. Voix qu’on a peu l’habitude de voir
solistes en musique dite « classique ».
La tradition des paroliers et poètes
ensuite. Quelque part mélange de Breton pour les
mots qui claquent parfois au delà de leur sémantique
et Ferré ou Nougaro pour la capacité à
se jouer d’une mélodie comme véhicule d’une poésie
moderne et chargée de sens.
Le jazz de Saint Germain bien sûr, parce
que sa manière de traiter le piano et l’orchestration
qui le soutient tient bien moins de la musique classique
que de la fièvre qui pouvait sourdre des caves de la
Rive Gauche quelque part au début des années ’60.
La noblesse du rock français enfin, parce
que autant dans sa manière
d’intellectualiser les mots jusqu’à chercher
la rime riche de sens et de métrique que dans la
sonorité de la voix de cet échevelé gourmand de
femmes, et de phrases on croit reconnaître le fantôme
de Bertrand Cantat (l’engagement politique et
la polémique en moins).
Le résultat est donc un mélange
orchestro-franco-jazzo-rocko-flowo moderne, très réfléchi,
très beau et qui frappe l’oreille par son originalité
sonore. On s’agenouille devant la beauté de tes lèvres
et sous le piano de ma mère on pense à Cantat
sur Crack Maniac… on goûte l’ensemble avec
satisfaction. Mais on ne peut néanmoins, toujours trop
critique, s’abstenir de penser qu’à force
d’intellectualiser le mot, de rechercher la sonorité
autant que le sens, à force d’éviter l’évidence
et la simplicité… certains titres deviennent trop
abscons pour une écoute simple, en situation de mobilité,
en voiture ou au travail. Quand les notes de pochettes
deviennent salutaires, on s’éloigne un peu trop de la
« pop ».
Parce qu’entre l’intelligence exacerbée de
cet opus éponyme et l’indigence sémantique de la
Nouvelle scène française, il y a tout un tas
d’endroits où placer un album un poil plus direct.
Mais on sait… la critique est facile et l’art est
difficile.
Denis
Verloes
Tracklist
:
01. Silicone Baby
02. Crack Maniac
03. Sous le piano de ma mère
04. Quand tu m'embrasses
05. Kamikaze
06. Maremma
07. Lettera
08. Point d'orgue
09. Tes lèvres
10. Secret professionnel
11. Cœur larsen
12.
Bains de minuit
Date
de sortie
: 03/04/2006
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