musique

Babx - Babx

Onmusic/Warner

[3.5]

 

 

Une maman musicologue professeur de chant et de piano, instrument auquel le fils ne manque pas de faire référence dans un des plus sensibles textes de l’album ; un père psychanalyste, un grand-père chef d’orchestre, un chant en français, le goût du jazz… et voilà le décor planté pour quelque musique néo-bobo qui pullule dans les discussions du dimanche le long du Canal St Martin.

 

En fait non. Quelques mots dans la bio du bonhomme de 24 printemps accrochent d’abord le regard : « Tout cela vient sûrement de ses premières amours qui portaient des noms qui sonnent comme des paires de claques : N.T.M., Ministère Amer, Assassin… Le poing des mots, le choc des rythmes. Allez savoir comment Nino Rota, Charlie Parker, Bill Evans ou Thélonious Monk se sont rencardés dans cette partie fine organisée par Babx. D’autant que le jeune chien fou avait aussi improvisé une joute musicale entre Ravel et Debussy, légèrement pervertie par Iggy Pop et Tom Waits.» Pas qu’on aie jamais vu pareille référence, on sait qu’en matière de biographie, les attachés de presse font en général dans la démesure, mais de voir Tom Waits côtoyer NTM et Monk dans la même phrase a de quoi laisser pantois.

 

Si les promoteurs de l’album grossissent bien évidemment le trait, il faut reconnaître que Babx est bien comme une sorte d’intersection entre plusieurs traditions françaises,  ultra représentées, mais généralement antinomiques.  La Grande tradition d’abord. Celle de la musique orchestrale où le soliste au piano se découpe sur un fond de grand orchestre. En limitant ses envies de grandiloquence, Babx connaît pourtant la méthode du mix, capable de faire détacher son instrument à cordes frappées du reste de l’environnement. Il applique la même formule à son chant qui se présente très en avant. Voix qu’on a peu l’habitude de voir solistes en musique dite « classique ».

 

La tradition des paroliers et poètes ensuite. Quelque part mélange de Breton pour les mots qui claquent parfois au delà de leur sémantique et Ferré ou Nougaro pour la capacité à se jouer d’une mélodie comme véhicule d’une poésie moderne et chargée de sens.

Le jazz de Saint Germain bien sûr, parce que sa manière de traiter le piano et l’orchestration qui le soutient tient bien moins de la musique classique que de la fièvre qui pouvait sourdre des caves de la Rive Gauche quelque part au début des années ’60.

La noblesse du rock français enfin, parce que autant dans sa manière  d’intellectualiser les mots jusqu’à chercher la rime riche de sens et de métrique que dans la sonorité de la voix de cet échevelé gourmand de femmes, et de phrases on croit reconnaître le fantôme de Bertrand Cantat (l’engagement politique et la polémique en moins).

 

Le résultat est donc un mélange orchestro-franco-jazzo-rocko-flowo moderne, très réfléchi, très beau et qui frappe l’oreille par son originalité sonore. On s’agenouille devant la beauté de tes lèvres et sous le piano de ma mère on pense à Cantat sur Crack Maniac… on goûte l’ensemble avec satisfaction. Mais on ne peut néanmoins, toujours trop critique, s’abstenir de penser qu’à force d’intellectualiser le mot, de rechercher la sonorité autant que le sens, à force d’éviter l’évidence et la simplicité… certains titres deviennent trop abscons pour une écoute simple, en situation de mobilité, en voiture ou au travail. Quand les notes de pochettes deviennent salutaires, on s’éloigne un peu trop de la « pop ».  Parce qu’entre l’intelligence exacerbée de cet opus éponyme et l’indigence sémantique de la Nouvelle scène française, il y a tout un tas d’endroits où placer un album un poil plus direct. Mais on sait… la critique est facile et l’art est difficile.

 

Denis Verloes

 

Tracklist :

01. Silicone Baby

02. Crack Maniac

03. Sous le piano de ma mère

04. Quand tu m'embrasses

05. Kamikaze

06. Maremma

07. Lettera

08. Point d'orgue

09. Tes lèvres

10. Secret professionnel

11. Cœur larsen

12. Bains de minuit

 

Date de sortie : 03/04/2006

 

Plus+

Le site officiel

L’espace Myspace