Alfie
- Do you imagine things ?
1/2
Regal/labels
- 2003
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Troisième
album en autant d’années pour le charmant quintet
mancunien. Le groupe a quitté le label Twisted Nerve
(créé par Andy Votel et Damon Gough aka Badly
Drawn Boy) de manière un peu douce-amère pour
rejoindre une grosse écurie, en l’occurrence
Parlophone.
Ne
pas y voir la sempiternelle histoire du gentil groupe
indépendant perverti par la méchante major puisque
l’un des raisons de ce « transfert » est
le désir exprimé par Alfie de pouvoir mettre
enfin toutes ses idées de grandeur (artistique
s’entend…) en pratique. Désir bien évidemment plus
aisément envisageable sur une grosse structure. Résultat :
18 mois ont été nécessaires à l’enregistrement de
ce disque ! Et le moins qu’on puisse dire c’est
que cela s’entend : Do You Imagine Things ?
est une véritable odyssée (« and oracles » ?)
pop foisonnante et extravagante, digne de ce qui pouvait
s’ouvrager dans les cerveaux envapés des compositeurs
de la fin des années 60.
Que
ceux qui les ont connus à leurs débuts se rassurent néanmoins :
Alfie reste fidèle à cette daydream pop naïve
et finement ourlée qu’il affectionne. Le début de
l’album notamment est des plus bucoliques et privilégie
comme souvent avec eux les arpèges acoustiques (Winding
Roads, très Badly Drawn Boy justement).
Fuyant plus que jamais la grisaille de Manchester, Lee
Gorton prône sur ce même titre l’introspection
et l’ouverture à la nature : « Step back
from the world around you, look on to pastures new –
you will grow ». Plus loin, l’intro de No
Need est un nouvel étalon pop avec sa trompette
primesautière.
Ici,
Revolver est une référence à tous les niveaux,
y compris pour la pochette, et le soleil de l’endless
summer tape toujours aussi fort, via notamment des
harmonies vocales absolument splendides que n’auraient
pas reniées les Turtles. Ce sont notamment elles
qui démontrent à quel degré de maturité artistique Alfie
est parvenu, car s’il est un exercice qui ne souffre
pas la moindre approximation c’est bien celui là.
La
deuxième partie de l’album est un pur joyau :
elle monte en puissance (quand bon nombre
d’albums s’essoufflent au bout du 5ème
morceau) dans une explosion pop kaléïdoscopique véritablement
féerique. Mettant à profit (et quel profit !) les
moyens dont ils ont disposé lors de l’enregistrement,
les anglais font feu de tout bois, multiplient les
arrangements, les idées surtout, pour bâtir de véritables
petites cathédrales sonores au titres aussi puissamment
psychédélicieux que My Blood Smells Like
Thunderstorms, et ce sans frôler le ridicule une
seule seconde. Les fantômes de Harper’s Bizarre
de Sagittarius, de tous ces projets fantasques et
fantaisistes issus de la frénésie expérimentale des
sixties sont ranimés par un groupe qu’on
n’attendait peut-être pas à un tel niveau
d’excellence. D’autant que jamais Do You Imagine
Things ? ne sonne rétro : au contraire,
il réussit la prouesse de sonner étonnamment moderne
et contemporain, ultime preuve s’il en fallait de l’énorme
et superbe travail de production effectué.
Lorsque
l’imagination est ainsi débridée et qu’elle trouve
les moyens de s’exprimer dans sa pleine (dé)mesure,
la pop est décidément le terrain de jeu le plus
ludique et jubilatoire qui soit.
Laurent
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