musique

Lola Lafon & Leva - grandir à l’envers de rien

Bleu electric/Label bleu

[4.0]

 

 

Pour parvenir à une écoute sereine de l’album de Leva et Lola lafon ; il convient de se départir de l’imagerie franchement "no-no" qui entoure celle qui fut romancière avant de nous parvenir muée en leader de groupe mi-rock mi-électro mi traditionnel. S’abstraire, au moins un peu, de cette image franchement "hype" qui a séduit la presse et qui continue à bruire dans le landerneau parisien. Elle, ce double en chair et en sang de son héros de fiction : Bulgaro-roumaine, fan de rock (Rolling Stones, Jeff Buckley, Patti Smith, Janis Joplin), après avoir chanté involontairement les louanges de Ceausescu et subi l’ultime ignominie que le mâle puisse imposer à une jeune fille de 14 ans. Elle, arrivée à l’Ouest en déboulant dans les rangs des alter-mondialistes par sa phalange la plus déterminée : les black blockers ; ces cagoulés en basket de marque persuadés que le capitalisme ne s’écroulera que si on lui donne un sacré coup de barre à mine.

 

Il faut arriver à dissoudre un certain battage médiatique et un écheveau "idéologico-people-isant" pour ne se pencher ici que sur le volet musique de la démarche. Comme le dit la bio, c’est une bande de citoyens du monde qui se présente à l’auditeur. Un Macédonien à la guitare, un Serbe à l’accordéon, un Français à la basse, un Belge aux samples, une Franco-Biélorusse au chant ; pour un album qui plonge son inspiration dans la folk électro-acoustique internationale et dans le folklore des Balkans. Une galette qui se sert aussi, pour mieux porter les mots de sa chanteuse, de ci- de là, de samples dits ténébreux autant classiques que "Sarkozyens".

 

Si la formule risquait, sur papier, de virer à l’exercice de style et à l’album prétexte pour auteur rebelle en quête d’inédit (écueil où l’album tombe parfois, cf. l’introductif Mon âme), on est étonné de la cohérence sonore globale de l’ensemble. En fait c’est un peu, musicalement parlant, comme si Emir Kusturica croisait la route du Angles de Arca. Toutes proportions gardées bien entendu. Et, on a beau chercher, on ne voit guère d’album mêlant le chant en français et en roumain, le folklore est-européen et la pop d’aussi efficace façon. Leva est unique en son genre et l’assume plutôt bien, même pour un auditeur qui, comme votre serviteur n’a aucun bagage ni aucune forme d’appétence pour les sonorités de ce type.

 

Sur cette base musicale plutôt réussie, la plume de Lola Lafon fait mouche, surtout quand elle parvient à s’élever du strict discours "alter", tant ressassé qu’il a fini par perdre sa force d’évocation (L’euro l’Otan l’atome, le bilan de compétence). Elle manie les sonorités et les images (complètement à l’ouest), les mots et l’imaginaire (Décolère) de fort harmonieuse façon.

 

L’album surprend donc parce qu’il n’est pas un faire-valoir musical, permettant à Technikart ou Libération d’aller parler de sa front-woman en dehors des pages société. On sent que Leva est un groupe qui a une identité propre, un ligne sonore définie et un parolier déterminé. En fait, le vrai bémol de cet opus ne tient ni dans la démarche, ni dans la personnalité de sa chanteuse, mais dans sa voix. Grinçante comme un violon tzigane, l’organe de Lola Lafon lui permet certes d’implorer, de murmurer, de souligner les phrases ou de recréer un chœur bulgare à elle seul ; reste qu’au fil de la petite heure que dure grandir à l’envers de rien, on a du mal à ne pas se ménager quelques pauses pour éviter que l’irritation vocale ne vienne gâcher un plaisir d’écoute globalement complet.

 

Denis Verloes

 

Tracklist :

01. Mon âme
02. Le bilan de compétence
03. Complètement à l’ouest
04. Drôle de rage
05. Lele Jano (Et même si le monde est de pierre)
06. A quel âge

07.L’euro, l’Otan, l’Atome
08. Les steppes claires
09.
Paint it, black
10 Décolère
11.
Yulay (... et les fantômes n'existent pas)
12. Décongèle tes rêves
13. L’aube nouvelle

 

Durée : 56’ 24’’

Date de sortie : février 2006

 

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Site officiel

Label Bleu

Une fièvre impossible à négocier, Lola Lafon. Éd. Flammarion, 339 pages - 18 euros - 2003