Baby
Dayliner - High heart and low estate
Brassland/Southern - 2004
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"Ami
trentenaire, cet album est prévu pour te faire
succomber..." C’est à peu près en ces
termes qu’on s’est moqué, à la première écoute,
de l’essai de Baby Dayliner. Car
c’est vrai qu’il y a, dans la musique de ce
soliste en provenance de Brooklyn, suffisamment de
cliché et de passéisme vampirisé à même la gorge
des années 80, pour esquisser un facile et hautain
rire symbolisant l’ironie de chroniqueur à qui on
ne la fait pas… « C’est
bon monsieur Dayliner, enlève ton masque et
retourne à ta collection de disques de New Order,
plutôt que de nous pondre un disque… retourne brûler
un cierge à saint Ian Curtis de l’ordre des Divisioniens »
Un regard distrait jeté au clip (dernière plage du
CD) nous a amusé. Le grand échalas y assène sa
ritournelle imparable Raid ! (qui contient
d’ailleurs tous les germes du tube comme en
produisait l’époque Madchester au tournant des
80’s/90’s) sur un tout beau blue screen. Il campe
tout le groupe à la fois, batteur, guitare, basse,
avec sa mèche à la « Johnny Belle gueule »
du film
Cry baby… Le tout sur fond bleu genre télé
de notre jeunesse avec effets obsolètes
d’apparitions et disparitions en croisillon. Manque
juste les lettres néon. Et l’effet serait garanti.
On rit.
Mais déjà on ne se moque plus. Car c’est vrai que
vu sous l’angle du second degré qui semble animer Baby
Dayliner, sa musique se pare d’une lumière et
d’une couleur particulière. BD répond avec
High heart & Low estate à la grande
question qui taraude souvent les amateurs de musique:
“Peut-on encore faire quelque chose de neuf en
pop musique”. Aux récupérations de la musique
électronique
contemporaine, aux relectures en avant des
groupes rock ; high heart & low estate
répond par un status quo étonnant. Non rien de neuf
n’est possible, alors plutôt que de se perdre en
vaine quête de nouveauté ou en exégèses musicales,
mélangeant modernité technique et passéisme de
l’inspiration… Baby dayliner fait fi de
l’histoire de la musique et de son industrie depuis
la sortie du blue Monday de New Order ou
du vague à l’âme de Joy Division. Le style
est si proche, tout en ne manquant pas de personnalité,
qu’on pourrait facilement berner ses potes en
faisant croire qu’il s’agit d’un obscur groupe
de la banlieue mancuniennne, qui n’a pas su
saisir l’appel de la gloire au tournant 80’ 90 ».
Et puis, écoute après écoute, même si on se lasse
un peu de l’exercice de style, consistant à
embarquer dans la machine à remonter l’histoire
proposée par BD - mélangeant tradition du
songwriting britannique et de le groove simple mais
efficace- ;
restent que des titres comme Raid !
sont bel et bien des grenades dance/pop désamorcées
et qu’une plage telle Madeline demeure un
belle pirouette pour les anciens fans de Smiths
que le retour en grandes pompes du Moz n’a
pas convaincus.
Enfin, s’il faut encore un argument pour convaincre
d’aller prêter un oreille à High heart and low
estate, on dira : "Ami trentenaire,
cet album est prévu pour te faire succomber… »
mais on ironisera plus. Ou si peu.
Denis
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