Troisième
album pour cette formation nantaise plus que jamais passionnante
et qui revient ici sur son parcourt et sur la genèse de
"Helping hand", le beau et digne successeur de
main gauche paru en 2002.
Trois
ans entre ce nouvel album et "main gauche"… la gestation
de Helping Hand a t-elle été difficile… ?
Charles :
la gestation n’a pas été très longue puisque ce
disque a été enregistré durant l’été 2003 puis
mixé et masterisé en 2004 ; ce qui a été long
en revanche c’est la recherche du label. Ceci dit cela
nous a effectivement donné du temps pour l’édition
musicale et les arrangements…
Et puis un recul très confortable.
Rasim :
Cet album marque la fin d’une trilogie qui nous est
apparue comme telle une fois accomplie. Il n’a pas été
vraiment plus long à créer que les précédents. Ce
qui a pris du temps, c’est la réflexion que nous
avons menée sur notre place de musicien
vis-à-vis des secteurs commerciaux de la
musique. Nous nous sommes
désormais entouré d’un trio de partenaires en
qui nous avons confiance et qui nous décharge d’une
partie devenue difficilement gérable par nous-même.
Mais nous nous sommes vraiment demandé pendant un temps
s’il n’était pas préférable pour nous de
retourner de manière "paranoïaque" vers
un amateurisme éclairé. Je pense désormais que nous
avons fait le bon choix. Je suivrais toujours
l’alternative de gestion de loin (le CC et d’autre
chose) mais je pense avant tout que nous sommes des
musiciens et que la problématique de la diffusion/distribution musicale, même si nous en somme très dépendant,
ne doit pas prendre le pas sur la création… Bref nous
avons décidé de rester des musiciens malgré tout.
Vous
changez de label pour ce nouvel album, qu’est ce qui
vous a amené vers le label belge Subrosa ?
Charles :
leur motivation à vouloir travailler avec nous.
Rasim :
Subrosa semble m’apporter ce que je cherchais,
une vision humaine et quasi "artisanale"
de nos rapports à la musique qui, même s’ils sont
tournés vers des accomplissements différents, semblent
converger dans leur approche. J’étais jusqu’alors méfiant
sur la capacité d’un label à me représenter et me
soutenir, tant sur mes conceptions musicales
personnelles que sur ma façon d’envisager
notre évolution dans un système commercial. Nos
choix de partenaires se sont d’ailleurs toujours
effectués par le biais
d’affinités, voire d’amitiés (je pense là à Entropic,
notre 1er label, qui
a été créé par un ami, Anthony Taillard).
Nous
avons donc mis du temps à conclure un accord avec un
label qui, comme DSA ou d’autres auparavant, accepte
de travailler avec nous sur des bases "affectives",
et qui réponde à notre besoin de rapports à échelle
humaine.
Vous
avez travaillé sur des improvisations en direct pour de
vieux films surréalistes ou encore sur des
installations et même sur des musiques de film
d’entreprise :
Y
a t’il des convergences, des similitudes entre la manière
de composer pour la musique d’un film, comme vous avez
pu le faire par le passé, et pour un album comme Helping
Hand ?
Charles :
le point commun est l’absence de méthodes très définies.
Helping Hand a été enregistré à trois avec Anthony
Taillard, et ressemblait plus à une catharsis
qu’autre chose, dans la mesure où nous avons laissé
remonter tous les trois des ombres à la surface.
C’est peut-être aussi la première fois où l’on a
autant discuté de ce que l’on ressentait à l’écoute
de nos morceaux.
Rasim :
Non, nous ne procédons pas de la même manière, mais
en effet, tout le travail que nous avons effectué en
amont sur des images nous a inspiré pour la conception
de ce troisième album.
Parce
qu’instrumentale, notre musique nous a souvent
conduite à rencontrer des hommes d’image ; à leur
approche, nous nous sommes nourris de leurs
questionnements. Pierrick Sorin nous a confronté à un
univers qui nous était inconnu, celui de
l’installation d’art-vidéo qui nous a permis
d’assouvir notre envie d’improvisation ; les films
sur lesquels nous avons collaboré par la suite pour
d’autres auteurs (notamment Marc Ponnette ou Lisa
Bresner) ont développé nos lien avec la dramaturgie.
Les séries type "un peu d’amour" que
nous avons fait avec Finalement Production
nous ont beaucoup aidé à travailler une identité
sonore. Nous continuons actuellement ce type de travail
sur divers projets, et particulièrement avec le réalisateur
Bart Manlay, qui nous apporte par le biais de ses films
des exercices de compositions toujours renouvelés.
Et
même si nous n ‘avons pas rencontré ces gens là,
les livres de Michel Chion,
Schaffer et autres, nous on
beaucoup marqué. Nous aimons vraiment l’interrogation
et il nous est difficile de considérer la création
musicale sans cette approche de remise en question.
Quelle
est la part d’improvisation au moment de la
composition ?
Charles :
il n’y a pas vraiment de méthodes distinctes, c’est
différent selon nos envies. Les accidents peuvent
survenir et nous emmener vers de nouvelles idées. La
seule chose qui est invariable c’est la volonté d’être
sincère au moment où l’on réalise, avec tout ce que
cela peut comporter d’auto-mensonge et
d’approximation.
Rasim :
L’approche de la composition musicale peut utiliser
des stratagèmes divers, l’improvisation en faisant
partie. Notre palette de création est complexe, puise
autant dans l’improvisation que dans d’autres éléments,
parfois même le vent... Nous essayons juste de faire de
notre mieux pour exprimer un sens avec notre musique.
Tout ce qui tend vers ce but est bon pour ce que nous
voulons dire.
Il
y a un rapport évident à l’image dans votre musique.
Le cinéma (ou la musique de film) peut-il être une
source d’inspiration pour vous ?
Charles :
oui, mais ma motivation première reste ce que je
ressens.
Rasim :
Comme je l’ai expliqué précédemment, l’image peut
également, au même titre que d’autres sources,
constituer un moteur de création. Je crois que nous
sommes incorrectement définis comme musiciens de
l’image. Notre musique est très instrumentale ;
de fait elle n’est pas descriptive (aucun texte). Elle
procède d’évocation, d’émotion.
You’re in for it , le titre qui ouvre Helping Hand contraste beaucoup avec le reste de l’album et avec
vos compos en général. Il est très électro, très
dance-floor, avec une voix cassée, très fin de soirée…
Qu’est- ce qui vous a donné envie de faire ce genre
de morceau ?
Charles :
dans la forme, il peut en effet paraître très différent…
Dans le fond je pense qu’il est très en phase avec le
reste de l’album, puisqu’il en est le point de départ,
et ce n’est pas la première fois ou nous mélangeons
l’électronique et des instruments plus organiques :
le 1er album est truffé de ce mélange.
Rasim :
Ce morceau serait passé plus inaperçu s’il avait été
placé différemment sur ce disque. Mais il reflète
l’idée globale de ce qui suit. C’est une
introduction...
Nous
voulions exprimer la fuite, l’échappée. L’effet de
« masquage » que procure la fête… Bref,
tout ce qui tend vers l’oubli. Nous voulions procéder
d’une nouvelle forme, d’une nouvelle construction
musicale. Créer un morceau capable de « décoller »
dans un perpétuel effondrement, en évoquant avec
beaucoup de tendresse et de tristesse les solitaires des
dance-floor qui chantent à tue-tête des paroles
incompréhensibles sur une chorégraphie
bien alcoolisée.
Le
reste est beaucoup dans votre style. Malgré tout, on
sent un album moins direct que les deux précédents. Je
dirais encore plus subtil que ses deux prédécesseurs,
Avez vous cherché justement à le rendre plus dense,
plus sombre aussi peut-être ?
Charles :
merci, je crois en effet qu’il est dense et intense,
nous n’avons rien cherché mais laissées plutôt les
parts d’ombres de chacun s’exprimer… Avec le
recul, je pense que cela rend , paradoxalement, ce
disque très lumineux dans le sens clair du terme.
Rasim :
Je ne pense pas que nous cherchions quelque chose très
précisément lors de l’enregistrement. La maturation
d’un album n’est pas si raisonnée que cela. Mais cet
été là, nous avions besoin de faire cette musique là.
Ce n’est qu’après coup que nous avons tous comme
toi constaté que cet album était sûrement plus
complexe que les deux premiers. Malgré tout, nous avons
voulu aller jusqu’au bout et préserver lors du mixage
cette sensation de "densité" et "d’obscurité"
que tu évoques. Ce disque est sûrement le moins
abordable que nous avons fait. Nous sommes resté intègre.
Avez-vous
travaillé de la même manière pour le nouvel album que
pour le précédent ?
Charles :
Absolument pas : sur Main Gauche,
il y avait des invités qui étaient totalement libres,
sur celui-ci nous sommes restés à trois dans une
intimité de tous les instants.
Rasim :
Nous gardons pour chaque album une liberté de création
maximum. Nous n’avons pour le moment jamais enregistré
dans un studio. Nous travaillons toujours en amont des
configurations d’enregistrement adapté à nos envies.
Nous créons et enregistrons à la volée. Cela nous
permet de garder beaucoup de fraîcheur et de spontanéité.
De fait, nous maîtrisons mieux notre temps et le stress
de la "bonne prise" s’efface.
Avec
le recul, quel regard portez-vous sur vos deux précédents
albums ?
Charles :
je les aime beaucoup. Les
deux premiers albums ont été créés dans une spontanéité
et avec une sincérité qui relève du journal intime ; le
dernier est une continuité des précédents et répond toujours au quotidien ; peut-être
est-ce parce que chez lui opère un tournant, que
Helping Hand clôt un chapitre de notre vie.
Rasim :
Je ne réécoute pas souvent ce que j’ai enregistré.
Par contre nous passons beaucoup de temps à revisiter
nos morceaux pour les adapter à la scène. Il arrive même
souvent que ce passage à la scène nous reconduise à
un nouvel enregistrement.
Les
musiques actuelles stimulent-elle votre créativité ou
avez-vous plutôt tendance à écouter des choses plus
anciennes dans lesquelles vous pourriez trouver une
quelconque inspiration ?
Charles :
j’aime bien me laisser séduire par des musiques
nouvelles et anciennes, qui m’influencent et que
j’ai l’impression par la suite d’oublier.
Rasim :
Je suis curieux
de tout. Anciens, oubliés, passés, nouveaux, modernes,
inconnus.
Vous avez travaillé avec
Sylvain Chauveau sur une
BO de court-métrage (des Voix Alentour)...
Charles :
oui, c’est un ami avec qui j’aime beaucoup parler et
échanger.
Y
a t-il des gens avec qui vous aimeriez travailler à
l’avenir ?
Charles :
Michel Gondry, Françoise Breut, un
batteur
Rasim :
La scène nantaise est riche de talents, de trésors de
créativité dans tous les styles musicaux (Les Little
Rabbits, La Jam, Mansfield Tya, Chevreuil,
Thierry Le Coq, Luc Rambaud)… . Mes
affinités, dans l’absolu, me porteraient vers Radiohead
et d’autre grand de la musique… Plus prosaïquement,
des rencontres se sont opéré avec Rodolphe Burger,
Laurent Garnier, les grands frères de ma famille
musicale… Sans
oublier Hunk et Tareck Ataoui avec qui une
collaboration pleine de promesses vient de commencer…
Propos
recueillis par Benoît Richard
octobre
2005
Plus+
Man
- Main gauche
5+5=...Man
www.dsa-wave.com
www.subrosa.net
Le
site de Man
|