musique

Miossec - Létreinte

Pias

[4.0]

 

 

En fait, il faut bien se l’avouer, cela faisait déjà presque deux albums qu’on ne suivait plus que d’un œil distrait la carrière du Brestois. Il a beau avoir été celui qui redonna au rock chanté en français un nom variant de Noir Désir, puis celui qui a marqué la toute fin de notre adolescence avec ses problèmes de presque adulte. On voyait arriver les nouvelles livraisons de Christophe Miossec avec tendresse et nostalgie : ah ces histoires de femmes improbables, ces vies à deux qui en finissent, puis cette manière qu’a le backing band de placer de la guitare électo-acoustique ou du gimmick électrique, toujours de la même façon. On a du s’en lasser, on le confesse, quelque part au tournant de ce nouveau siècle.

 

Et la première écoute de l’étreinte ne fut pas la bonne. Trop superficielle sans doute. Trop mue par une idée biaisée : « alors ça donne quoi un album de Brestois qui s’installe à Bruxelles, ma capitale, ma carte postale à moi? hein ? Ecoutons voir ! ». Leurré par une approche dispersée, nous avons surtout repéré les épouvantails Miosseciens que sont  mes crimes : le châtiment lorgnant ouvertement du côté du premier album, quand je fais la chose qui se nourrit à la source électrique de baiser ou encore Julia qui repique, en se travestissant à peine, le Brest de l’album précédent… On a bien failli passer à côté de ce nouvel opus. Ne serait notre petit bout de conscience professionnelle qui nous pousse à écouter plusieurs fois chaque album, même les pires.

 

Et on a bien fait de relancer le disque sur la platine. Car l’étreinte est de loin le meilleur album de Miossec, depuis baiser. Pas que Christophe y accomplisse une révolution copernicienne du style qui a fait son succès : il y a toujours cette capacité à toucher l’universel en passant par le particulier, à nous parler de lui comme s’il s’agissait de nous, et cette voix de vieux loup de mer. Puis, que les filles se rassurent, on y retrouve encore cette caresse de mec viril à l’adresse de toutes les femmes qui traversent sa vie. Il y a même un vrai single radio dans la facture d’électricité qui ira titiller Cali à la frontière de l’indé et de la variète.

 

Il y a tout ça, mais il y a aussi que, sur la pochette, le vieux Miossec s’est mis à sourire. Et on a l’impression qu’à quarante berges, il est content d’avoir encore amélioré son écriture et réussi à instiller un peu de lumière dans son bar, enfumé, de Recouvrance. Il y a aussi et surtout que les compositions de Miossec ont pris de l’envergure et leur envol. Sous la coupe des Anversois Zita Swoon conviés à la production , par le truchement de la guitare de l’Irlandais Robert Johnson  puis celle de Daran ou  le piano de Gérard Jouannest ;  les titres généralement simples (et à la fin redondants) de Miossec acquièrent ici un nouveau statut. De ballades mi folk mi rock carrément indées chantées par un taulier en t-shirt St James, elles accèdent désormais à un état supérieur, un peu flippant, de titres indispensables au répertoire francophone. Toutes générations, toutes castes ou classes sociales confondues. Des chansons tout à fait « pop » quoi, dans l’acception anglaise du terme, arrangées comme telles, et jouées pour durer. On finit par pardonner les trois titres un peu fainéants, au regard de l’écrin dans lequel même eux sont servis. Et à côté de la surprise que fut boire, on rangera désormais la maturité de l’étreinte.

 

Denis Verloes

 

Tracklist:

01. La facture d'électricité

02. Maman

03. La mélancolie

04. 30 ans

05. Mes crimes : le châtiment

06. Quand je fais la chose

07. Le loup dans la bergerie

08. La grande marée

09. L'imbécile

10. L'amour et l'air

11. Julia

12. Bonhomme  

 

Durée : 43’ 47’’

Date de sortie : 28/08/2006

 

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Le site officiel de Miossec