En
fait, il faut bien se l’avouer, cela faisait déjà
presque deux albums qu’on ne suivait plus que d’un
œil distrait la carrière du Brestois. Il a beau avoir
été celui qui redonna au rock chanté en français un
nom variant de Noir Désir, puis celui qui a
marqué la toute fin de notre adolescence avec ses problèmes
de presque adulte. On voyait arriver les nouvelles
livraisons de Christophe Miossec avec tendresse
et nostalgie : ah ces histoires de femmes
improbables, ces vies à deux qui en finissent, puis
cette manière qu’a le backing band de placer de la
guitare électo-acoustique ou du gimmick électrique,
toujours de la même façon. On a du s’en lasser, on
le confesse, quelque part au tournant de ce nouveau siècle.
Et
la première écoute de l’étreinte ne fut pas
la bonne. Trop superficielle sans doute. Trop mue par
une idée biaisée : « alors ça donne quoi
un album de Brestois qui s’installe à Bruxelles, ma
capitale, ma carte postale à moi? hein ? Ecoutons
voir ! ». Leurré par une approche dispersée,
nous avons surtout repéré les épouvantails Miosseciens
que sont mes
crimes : le châtiment lorgnant ouvertement du
côté du premier album, quand je fais la chose
qui se nourrit à la source électrique de baiser ou
encore Julia qui repique, en se travestissant à
peine, le Brest de l’album précédent… On a
bien failli passer à côté de ce nouvel opus. Ne
serait notre petit bout de conscience professionnelle
qui nous pousse à écouter plusieurs fois chaque album,
même les pires.
Et
on a bien fait de relancer le disque sur la platine. Car
l’étreinte est de loin le meilleur album de Miossec,
depuis baiser. Pas que Christophe y
accomplisse une révolution copernicienne du style qui a
fait son succès : il y a toujours cette capacité
à toucher l’universel en passant par le particulier,
à nous parler de lui comme s’il s’agissait de nous,
et cette voix de vieux loup de mer. Puis, que les filles
se rassurent, on y retrouve encore cette caresse de mec
viril à l’adresse de toutes les femmes qui traversent
sa vie. Il y a même un vrai single radio dans la
facture d’électricité qui ira titiller Cali
à la frontière de l’indé et de la variète.
Il
y a tout ça, mais il y a aussi que, sur la pochette, le
vieux Miossec s’est mis à sourire. Et on a
l’impression qu’à quarante berges, il est content
d’avoir encore amélioré son écriture et réussi à
instiller un peu de lumière dans son bar, enfumé, de
Recouvrance. Il y a aussi et surtout que les
compositions de Miossec ont pris de l’envergure
et leur envol. Sous la coupe des Anversois Zita Swoon
conviés à la production , par le truchement de la
guitare de l’Irlandais Robert Johnson
puis celle de Daran ou
le piano de Gérard Jouannest ;
les titres généralement simples (et à la fin
redondants) de Miossec acquièrent ici un nouveau
statut. De ballades mi folk mi rock carrément indées
chantées par un taulier en t-shirt St James, elles accèdent
désormais à un état supérieur, un peu flippant, de
titres indispensables au répertoire francophone. Toutes
générations, toutes castes ou classes sociales
confondues. Des chansons tout à fait « pop »
quoi, dans l’acception anglaise du terme, arrangées
comme telles, et jouées pour durer. On finit par
pardonner les trois titres un peu fainéants, au regard
de l’écrin dans lequel même eux sont servis. Et à côté
de la surprise que fut boire, on rangera désormais
la maturité de l’étreinte.
Denis
Verloes
Tracklist:
01.
La facture d'électricité
02.
Maman
03.
La mélancolie
04.
30 ans
05.
Mes crimes : le châtiment
06.
Quand je fais la chose
07.
Le loup dans la bergerie
08.
La grande marée
09.
L'imbécile
10.
L'amour et l'air
11.
Julia
12.
Bonhomme
Durée :
43’ 47’’
Date
de sortie : 28/08/2006
Plus+
Le
site officiel de Miossec
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