The
Sleepy Jackson - Lovers
EMI - 2003
Luke Steele, leader et seul membre permanent de The
Sleepy Jackson, est (peut-être, il est encore trop
tôt pour le dire) de ces personnages dont on fait les légendes,
ou tout du moins les chroniques. Discographiques
s’entend, mais surtout psychiatriques si l’on en
croit les rumeurs lues et entendues quant à sa
personnalité pour le moins tourmentée :
outre sa consommation de substances plus ou moins
licites (de tout type), le bonhomme est
réputé pour
être un control freak à côté duquel Kubrick
passerait pour un petit joueur, un perfectionniste
maladif (il a déjà viré 3, non pas membres, mais
backing-bands !!), un illuminé enfin qui aurait récemment
décidé de remettre son existence entre les mains du
Tout-puissant.
Fort
heureusement pour lui, et pour nous, son premier album
dissipe toute velléité voyeuriste et replace le débat
sur le seul terrain valable, celui de la musique.
Oubliez les 2 eps déjà parus (Caffeine in the
Morning Sun et Let Your Love Be Love, tous
deux pourtant fort respectables), ils ne sont
qu’aimable divertissement en comparaison de ce premier
album qui risque fort de devenir un nouveau mètre-étalon
de cette psyché-pop qui n’en finit pas d’avoir le
vent en poupe. Steele parvient en effet à fondre de
manière absolument miraculeuse et dans un même moule
kaléïdoscopique le meilleur de la musique américaine
actuelle, des Flaming Lips à Mercury Rev
en passant par The Polyphonic Spree (pour les chœurs
célestes un peu trop hystériques pour être honnêtes) :
ce Good Dancers à la fois irréel et un peu
inquiétant qui ouvre Lovers tient ainsi tout de
la déclaration d’intention.
A la fois déchirantes et radieuses, ses chansons généreuses
sonnent comme l’endless summer entre 2 oreilles, comme
une déclaration d’amour naïve et désintéressée,
comme un bonheur aussi fragile qu’intense. Pas étonnant
dès lors que Steele choisisse régulièrement
d’emprunter les habits de la country la plus
orthodoxe, musique simple et pure, écrin idéal pour
l’expression des sentiments les plus exacerbés.
C’est ainsi This Day, miraculeuse pépite pop
faisant se croiser George Harrison et Creedence
Clearwater Revival sur une plage californienne, ou
encore Acid in My Heart, digne du Beck le plus déchirant,
aux mots tragiques assumés (« It’s true I never
had no fun with you, now there’s acid in my heart »).
13 titres durant, c’est à ce même va et vient auquel
nous avons droit, entre refrains euphoriques et couplets
abattus (ou l’inverse), entre mélancolie et joie
enfantine. Lovers est de ces rares disques qui
vous donnent envie de tout laisser tomber pour aller
embrasser le premier passant croisé dans la rue :
depuis quand cela ne vous était-il pas arrivé ?
laurent
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