Erik
Friedlander - Maldoror
Brassland/chronowax
- 2003
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Erik Friedlander est un New Yorkais de 43 ans. Il est le fils du photographe
Lee Friedlander, connu outre-Atlantique, pour ses photos de rue et l'essentiel des pochettes du label Atlantic
(Ray Charles, Aretha Franklin, John Coltrane…). Baignant dans un univers jazz depuis sa tendre enfance, l'homme entreprend des études musicales à l'université de Columbia. Violoncelliste accompli, il commence sa carrière en écumant les bar de Broadway, puis en prêtant archet aux scies commerciales telles
Hole, Alanis Morissette ou Maxwell. A côté de ces activités moins recommandables, il participe aussi régulièrement aux projets du saxophoniste
John Zorn.
Maldoror est le premier album solo de
Friedlander. Il consiste en des improvisations jouées en se basant sur les poèmes composés, au 19e siècle, par le poète maudit Lautréamont. Enregistré live dans les studios berlinois Teldex ;
Erik Friedlander y joue, sans aucune séance de répétition. Il cherche à transformer les poèmes
Maldoror en musique à cordes. Friedlander compose une œuvre où le visuel des textes et les sonorités des mots inspirent la couleur de la musique née du violoncelle. Le producteur du disque,
Michaël Montes, a d'ailleurs favorisé cette imprégnation, en plaçant 10 extraits des poèmes autour du soliste en séance d'enregistrement. Retrouver l'ambiance des textes est la priorité essentielle. S'imbiber des images suggérées par les textes du surréaliste, mort à Paris à l'âge de 24 ans, est le mot d'ordre et le cadre qui président à l'enregistrement des 10 pièces d'improvisation pour violoncelle.
Et ça marche ! Dès les premières secondes du disque, on sent la mélancolie et la tristesse envahir notre salon. La musique de
Friedlander est épurée, simple; parfois à la limite de l'indigence. Une note, un grincement, nous emmènent en ballade quelque part entre la mort et la vie, entre l'amour et la haine, entre la réussite et l'échec. Force est de constater que si le père excellait dans l'esthétique visuelle, le fils quant à lui sublime ces effets textuels en des pièces de musique tout à la fois triste et tendues sur le fil du rasoir. L'interprétation de
Maldoror, que donne le violoncelliste, semble comme une série de 10 cris d'amour et de désespoir. Une lutte continue entre l'apothéose et la déchéance la plus totale. Si certains peuvent se sentir lassés par l'unique instrument mis à l'avant-scène, d'autres comme votre serviteur se laissent séduire par cette poésie musicale. Synesthésie ! C'est le mot qui nous vient en mémoire quand le
Maldoror flirte avec les notes pour nous offrir des pièces de poésie où semblent se mêler nos sens de la vue et de l'ouïe.
Certes, l'efficacité optimale n'est pas toujours au rendez-vous des improvisations. Puis le caractère unique de l'instrument montre parfois ses limites. L'effet de surprise laisse alors place à l'esprit critique et on hésite …
Pourtant, à l'instar du travail de Johan Johannsson sur
Englabörn l'année dernière, Maldoror est un nouvel exemple de recette originale pour marier la musique classique et des expérimentations plus modernes. Si le free jazz était l'expression d'un jazz en liberté,
Friedlander explore ici un " free-classical " de très haute tenue. Un classique libéré qui s'accommode très agréablement des images nées de la poésie du 19e siècle. Un moyen peut-être plus emballant que l'académique critique littéraire, pour découvrir la poésie de
Lautréamont.
Denis
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