Stephen
Malkmus & the Jicks - Pig lib
Domino
/ 2003
Quiconque n’a pas dormi à l’aube indée
des années quatre-vingt-dix connaît, au moins de nom, Stephen
Malkmus. Et si ce n’est pas le cas, nous ne
saurions que conseiller de plonger à la source du
travail de ce musicien, quand il officiait au sein de la
formation Pavement.
En quelques albums, le groupe a montré au monde qu’on
pouvait faire de la pop rock
guillerette et électrique loin des carcans de Nirvana
et autres Pearl Jam de l’époque. Pavement a
démontré qu’on pouvait récupérer l’énergie des
guitares et la percussion sèche d’une caisse claire
à l’usage de mélodies pop toutes simples, qui
donnent une furieuse envie de rire et de se trémousser.
Année après année, Pavement a
enrichi son style, son jeu et la qualité de la
production pour se renouveler
dans la continuité, sans se perdre à l’orée
des années 2000. S’il ne fallait garder que deux
albums de toute cette évolution, nous citerions Crooked
rain Croked rain pour avoir un exemple des premiers
opus du groupe ; et Brighten the corners,
pour entendre le parfait exemple de la production léchée
des derniers albums, toujours au service de ces mélodies
nerveuses et entêtantes, marque de fabrique du groupe.
Discrètement, la formation américaine s’est forgée une
aura mythique et, de Damon Albarn à la jeune
garde des musiciens rock, nombreux sont ceux qui citent
ou ont cité Pavement au nombre de leurs références.
Pavement a mis la clé sous le paillasson
de son histoire et c’est en solo que Malkmus
revient pour la seconde fois hanter nos lecteurs CD, à
la tête d’une fantomatique formation : Les
Jicks.
Force est de constater que rien n’a changé depuis l’époque
Pavement, dans la tête de ce musicien. Même goût
pour les Fender et les bidouillages de guitare, mêlée
à une voie emprunte de bonne humeur. Mêmes cassures de
rythme en cours de chanson pour nous rappeler que le
rock est avant tout une aventure humaine. Même énergie.
Même personnage.
Malgré tout, on reste un peu sur sa faim…
Le premier album solo de Malkmus, il y a
deux ans, nous avait bluffé –ainsi donc Stephen
est capable de sortir un nouveau Pavement à lui
tout seul ?- tout en laissant voir les prémices
d’une perte de trône annoncée : les mélodies
devenaient moins évidentes, l’énergie moins immédiate
et l’effet de l’absence de groupe se faisait légèrement
sentir. On avait mis ces défauts sur le compte de notre
mauvaise foi, quand on écoute les avatars d’un groupe
qui a fait les bons moments de notre jeunesse lointaine.
Malkmus persiste et signe dans ce Pig
lib en demi-teinte. L’album embaume de quelques
bonnes mélodies qui rappellent de quel bois se chauffe Stephen :
de ces chansons taillées pour la route qui mettent la
joie au cœur et le plaisir en tête. On y trouve
malheureusement aussi quelques longueurs, qui entament
un peu plus encore la confiance qu’on avait placée en
lui et en sa capacité à faire vivre seule la magie du
groupe dont il est issu.
Au final, un CD en forme de carte
postale d’un monde englouti envoyée par un pote
qu’on ne voit plus depuis longtemps, mais avec lequel
on a partagé des moments de folie. A la réception de
la carte, deux attitudes : soit on se jette dessus,
on en dévore le contenu et on se remémore les bons
moments qu’on a passé ensemble ; ou alors on y
jette un regard en coin, lassé, avant de se lancer dans
des occupations qui conviennent mieux à notre nouveau
style de vie.
Denis
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