Il y en aurait des choses à dire sur ce
trio mi-suédois, mi-suisse : un brin
baba-cool, une créativité exacerbée, leurs
influences nombreuses (de Lou Barlow à Will
Oldham, en passant Cat Power, Smog
et les Moldy Peaches) et une attitude
« nomade » qui les a toujours caractérisés.
Pourtant on se contentera d’en dire que les écouter
c’est les adopter. Rien de plus ! En effet,
quelque chose dans leur musique en fait vraiment
un groupe à part, un groupe qu’on a envie de
suivre. Et Mas Cambios en est une belle
occasion.
Derrière le nom d’Herman Düne se
cachent trois frères : André
(guitares/chant), David-Ivar
(guitares/chant) et Neman
(batterie et parfois au chant). Proches du
mouvement anti-folk new-yorkais (Moldy Peaches,
Jeffrey Lewis), ils composent à eux trois
un univers poétique, bohème et avant tout sans
prétention.
Cinq albums à leur actif depuis 1999 et un wagon de
side-projects plus tard, le groupe continue à
semer ses ballades aux refrains ravageurs et aux
guitares glissantes. C’est beau, à la fois délicat
et intimiste, un brin triste, mais toujours poétique.
La folk-pop qu’ils disséminent est parfois
teintée de blues et parle presque toujours
d’expériences personnelles (ruptures, amitiés,
galères). S’ils ne sont pas explicitement engagés
dans une cause précise (hormis le végétarisme),
l’ingéniosité qu’ils déploient pour faire
vivre leur musique –qui n’a pas de point
d’ancrage, pas de label fixe– est en soi une
croisade qu’ils tournent à leur avantage. Maîtres
de leurs compositions, faites avec peu de moyens
mais avec beaucoup de cœur, ils sont dotés
d’une capacité de création énorme : si
l’on ne compte que 5 véritables albums studios,
que dire des tonnes de cdrs et de k7s enregistrés
depuis qu’ils ont commencé à faire de la
musique il y a de cela une dizaine d’années
(ils auraient écrit près de 400 chansons depuis !!)
et sont les premiers à revendiquer leur rapidité
de composition (mise en boîte comprise) : « Si
une compagnie nous paie trois mois en studio sur
une île de rêve, on peut faire semblant de
mettre du temps. Mais la première prise est
toujours la meilleure. On aimerait juste avoir un
jour les moyens de se payer plus d'arrangements.
» déclaraient-ils le mois dernier dans
Libération.
Mas Cambios a été enregistré durant l’été
2002, à New York (dans un studio de Coney Island
plus précisément) et –fait étrangement
fortuit- est sorti en même temps qu’un autre
album : Mash Concrete Metal Mushrooms,
enregistré lui entre Williamsburg et Paris début
2003 (en compagnie de Julie Doiron et du
collectif Cerberus Shoal).
Mas Cambios oscille entre souvenirs de
ruptures amoureuses sous forme de ballades aussi
belles que tristes : The static comes
from my broken heart, So not
what I wanted, Winners lose
et des titres un brin ironiques comme Show
me the roof, Red Blue Eyes
(aux faux-airs de Bob Dylan) et la perle My
friends kill my folks.
Ecouter cet album c’est un peu comme s’embarquer dans
une voiture et parcourir quelques centaines de
bornes avec le groupe : des paysages défilent
tandis qu’on se prend à rêver. La musique des
frères Düne a cette particularité, vous
faire entrer dans le décor, tout intimiste et mélancolique
qu’il soit : le leur. Bizarrement, vous
aurez l’impression de rentrer chez vous.
Alice
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