Kid
Spatula - Meast
1/2
planet-µ/la
baleine - 2004
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Insaisissable Mike Pradinas…
Voilà un artiste qui pousse le jeu de l’effacement de
la personnalité du compositeur de musique électronique
à son paroxysme. Artiste anguille, il n’a de cesse
que de multiplier les pseudonymes pour dispenser des
albums que l’histoire a retenu comme un genre à part
entière : « l’intelligent techno » ;
dont il est devenu le pillier gauche… Le pillier droit
étant tenu par Richard James et les étançons
par d’aussi illustres représentants que Squarepusher
versant drum and bass à tendance jungle, et Coldcut
pour le versant trip-hopisant à coup de loops
improbables. Ainsi, c’est sous les personnalités
aussi diffuses que celles de µ-Ziq, Tusken
raiders, Diesel M, Gary Moscheless, Jake
slazenger et Kid spatula que Mike
Paradinas est venu hanter nos platines au fil des
ans, à coups de EP décalés, d’albums hors normes et
jusqu’à l’année dernière avec le Billious path
de µ-Ziq.
Car, même si chacun de ces personnalités renferme une
couleur musicale particulière, chacun de ses projets
renferme la caractéristique essentielle du choc de sons
synthétiques, des hiatus et des contretemps binaires.
Des chocs et des entrelacs assez anti-mélodiques,
"machiniques" par essence;
qui par leur uppercuts ou leurs entrelacs
glaciaires de musique synthétique concourent cependant
à une grande œuvre, où à force d’assonance, de
froideur, de contretemps et de répétition, chaque
morceau finit par se créer une pattern, un dessin, un
but et une quasi mélodie pop. Du fatras éclectique et
fondamentalement electro-cosmopolite naît la mélodie
et la chaleur presque humaine qu’aucun des
constituants isolés n’est capable de donner.
C’est le patronyme Kid Spatula qui reçoit donc
l’honneur de rassembler en un meast compilatoire
les archives non publiées du bonhomme. Quelques (34 !!!)
mixes égarés sur de vieilles DAT et des projets jusque
là encore non aboutis ; fruits du travail de Paradinas
entre les années 1994 et 1998, parmi les plus fécondes
pour le musicien. Alors, certes, l’exercice fatigue un
peu sur la longueur et il faut être fondamentalement
accro pour arriver à bout des deux albums en une écoute.
Pourtant, l’ensemble est agencé de telle sorte que
l’éclectisme des sonorités et des projets soient
rassemblés en grande tranches qui s’imbriquent comme
logiquement les unes aux autres. Et même si l’album
ne renferme aucune des pépites qui firent la notoriété
du jeune homme depuis In pine effect jusqu’à
l’indispensable Lunatic harness de 1997, il
permet de donner une bonne idée de la nature du travail
de Paradinas au milieu des années 90 et
offrir la joie de la redécouverte aux fans de la première
heure. Puis, pour ceux qui ne s’intéressent que
moyennement à l’histoire du processus créatif du
musicien, signalons que l’album est une petite
anthologie sans prétention de la musique électronique
des années ’90, quand les musiciens osaient la
recherche sonore, innovaient en matière de rythme et
cherchaient à s’éloigner des musicalités produites
par les instruments traditionnels. En poussant même un
peu (mais on aime bien l’album, c’est pour ça), on
ira jusqu’à dire qu’il a déjà le charme du
« rétro », d’un son qui a progressivement
cédé la place à d’autres genres musicaux, sans pour
autant perdre de son intérêt. Comme un vieux disque
qu’on redécouvrirait en se rendant compte qu’il
n’a pas pris une ride, ou que celles qu’il a pris en
accentuent le charme.
Denis
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