En
1996 et des poussières, une bande d’Ecossais
inventait - si si, à l’époque c’était encore
possible-, un style de musique nouveau,
contre-balancement massif à une techno et une électronique
encensées sur les ondes et dans les chroniques. Ils se
servaient de l’idée de longues plages instrumentales
inspirées par les machines, pour créer de véritables
œuvres spiraliques, longues, rageuses, sans parole,
faites de guitares reines, rock et en fureur. Des
grattes amplifiées et distordues, montant à l’assaut
de titres en tiroirs. C’était l’époque du LP young
team et de l’invention par cette formation d’un
nouveau genre musical. Le post rock était né.
10
ans plus tard le groupe récidive. Après l’incursion
rhétorique dans un plus pop rock
action et dans un happy
songs… où on croyait percevoir sinon des signes
d’essoufflement au moins quelques traces de redites ;
voilà que déboule Mr
Beast l’album qui vient rappeler à tous qu’en
plus d’être le pionnier d’un genre désormais
abondamment pillé, il en reste en plus le seigneur
incontestable. Un seigneur avisé qui a su prendre fait
et acte des ses imprécisions ou légères exagérations
du passé pour produire ce qui s’annonce déjà comme
l’un des disques immanquables de 2006.
Ce
qui étonne dans cette nouvelle livraison, c’est que Mogwai
parvient à se renouveler tout en restant infiniment
lui-même et sans provoquer la désagréable impression
de déjà entendu. Tous les éléments de la mythologie mogwaienne sont au rendez-vous de ce nouvel opus. Il y a ainsi, et
dans le désordre, des titres qui se déroulent tels
autant de spirales sonores et de tourbillons de décibels,
il y a cette guitare qui se délie progressivement au
fil du titre de six minutes, partant de la plainte
et aboutissant à la décharge de rage contre les
parois des tympans. Il y a aussi, ces passages assagis,
presque sereins, où la musique dispute sa part
d’intensité au silence et où chaque note est chargée
de sens…Il y a du très très Mogwai
dans ce Mr Beast
donc.
Là
où happy songs…
marquait une sorte de jalon au-delà duquel aurait point
la déception, le groupe décide ici de ne pas
s’aventurer hors de son pré carré, mais de repenser
la structure globale du jardin. On sent que les membres
du groupe connaissent désormais la formule qui fait un
titre de Mogwai
et le savant dosage qui évite les méprises. Alors ils
reprennent les semences habituelles du groupe, mais décident
de tester d’autres colorations à leur petite
parcelle. Pour satisfaire les visiteurs réguliers
autant que les âmes de passage. Là, la guitare se
faisait couleur de tête dans le parterre ; qu’à
cela ne tienne elle sera remplacée par le piano. La
guitare définira plutôt
ici le contour des massifs fleuris et la
signature du paysagiste. La voix aurait juré dans
l’ensemble : elle se fait ici instrument,
psalmodie aérienne qui apporte sa mélancolie au "hanging
garden" de Mogwai (vous savez ce petit bout de
terrain que l’horticulteur Robert
Smith s’amusait à laisser pousser et où les
Ecossais aimaient à venir se balader). La production se
fait ici plus prégnante, mais la spontanéité des
torrents de guitare ne semble pas en pâtir. Le tour du
bassin, où l’eau bouillonne, semble juste un peu plus
travaillé: on y croise même une charmante pedal-steel,
comble de l’arrangement pour un groupe aux guitares
historiquement brutes et acérées.
L’ensemble
semble plus travaillé, beaucoup plus produit, plus réfléchi
aussi, et déplaira sans douter par ce son côté
architectural aux fans de Mogwai
qui se délectaient de la décharge d’adrénaline
brute d’un young team par exemple. Il déplaira aussi à ceux qui espéraient
voir Mogwai
explorer de totales nouvelles terres en pionniers de la
musique qu’ils furent un jour. Aux autres, à tous
ceux qui ne voyaient en le groupe qu’une machine à
pousser les décibels et à porter un étendard propre
de roi du post rock, ils seront ici ravis. Il suffit de
trois mesures du premier titre pour reconnaître la
formation au blind test, (fort !) et seulement deux
titres pour se rendre compte de la nouvelle mouture du
petit parc presque romantique qu’ils ont remis au
propre et au bien produit.
Il suffit d’une moitié d’album pour être définitivement
conquis et rassuré pour le futur de la formation, et un
final en forme de fermeture de grille we’re no here pour crier à l’incontestable réussite. Et au
promeneur de porter ses pas encore et encore sur les
chemins de ce petit univers.
Denis
Verloes
Tracklist
:
01.
Auto Rock
02.
Glasgow
Mega-Snake
03.
Acid Food
04.
Travel Is Dangerous
05.
Team Handed
06.
Friend Of The Night
07.
Emergency Trap
08.
Folk Death 95
09.
I Chose Horses
10.
We're No Here
Date
de sortie : 07/03/2006
Plus+
www.mogwai.co.uk
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