I
Monster - Neveroddoreven
Dharma/Discograph
- 2003
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La scène pourrait se dérouler au beau milieu de la
nuit, dans la campagne anglaise qui baigne dans un épais
brouillard. Une maison solitaire surplombe une colline.
Une seule fenêtre est éclairée. Pas un bruit aux
alentours. Votre voiture vient de caler et il vous faut
de l’aide. Pas le choix : vous allez taper à la
porte de la masure. Voilà à quoi vous pourriez vous
attendre. Le monde complètement biaisé d’I
Monster ressemble à un bon vieux film de série
z, en pire : disjoncté, macabre et festif. Un
monde fantomatique, véritable hybride entre la pire des
maisons hantées et l’insouciance des années
flower-power. Si, si, ça existe !
L’univers d’I Monster est aussi farfelu
qu’ingénieux. Cela s’explique en partie par
l’imagination débridée de Dean Honer et Jarrod
Gosling, véritable Janus sous acides. Tous deux
issus de la belle ville industrielle de Sheffield,
Angleterre, ils se rencontrent en 1997, et le hasard
fait bien les choses puisqu’ils ont la passion commune
de voler des vinyls dans une librairie du centre ville !
Cette rencontre des plus comiques les mène tout droit
à la création d’I Monster quelques mois plus
tard, et à la sortie d’un premier album 98, tiré à
1000 copies. Le duo fusionne rapidement pour former
l’oeil tout puissant qui régit le collectif All
Seeing I (avec la sortie en 99 d’un album déjanté
entre pop, groove et jazz, intitulé Pickled Eggs
& Sherbert) au sein duquel on retrouve notamment
Jarvis Cocker et Babybird.
La mythologie
d’I Monster est lancée : tandis que Dean
devient producteur d’Add N To X à ses
heures, Jarrod bâtit un stock important de
samples les plus divers, qui serviront la cause du
monstre. Ils en profitent pour fonder également le
label Twins of Evil, et en profitent pour
participer à la création de la compilation Northern
Electronic (sortie
en mai dernier chez Discograph). La sortie en juin 2001
du single Daydream In Blue (fameuse reprise du
groupe Beta Band) fait un ravage dans les charts
anglais et monte directement dans le Top 20, mais pour
des raisons obscures, l’album ne sort qu’en juillet
2002 en Angleterre (et novembre 2003 en France).
NeveroddoreveN est une véritable
plate-forme des délires et des inspirations les
plus diverses de la part d’Honer et Gosling.
Tous les deux sont amateurs des séries B des années
70-80s et des films d’horreur de la Hammer, et
vouent un véritable culte à Peter Cushing (le
nom du groupe est inspiré d’un film dans lequel il a
joué en 1970, tout comme Twins of Evil en 1971).
L’album est comme une bo de film, blindée de samples
et de voix triturées au vocodeur. On passe de
l’ambiance joyeuse d’une pop 60s (Sunny Delights)
à des couches électroniques subtiles entremêlées des
grésillements de bons vieux vinyls en passant par une
jungle de sons farfelus où se perd une mélodie triste (Who is She, chanté par un crooner à la voix
d’un Jay-Jay Johansson fantomatique).
Du joyeux et
psychédélique Hey Mrs au fauteuil éjectable de
The Backseat of my car (porté par la jolie voix de Marion Henoist), de la
vision d’une fin de printemps dans Everyone’s a
loser au très beau Heaven (perdu entre Royksopp
et Air), du blues
halluciné de Stobart’s Blues au très Famille
Adams These are our children, tout l’album
oscille entre goûter d’anniversaire joyeux et coloré
et ambiance inquiétante, avec fumigènes et masques
grimaçants.
Mais que
l’on ne s’y trompe pas, Neveroddoreven est
avant tout une sorte de foire où rien ne doit être
pris au sérieux, une boîte à surprises qui fait
surgir paillettes, lapins et petits diables, pour le
bonheur et l’étonnement de tous. Un peu comme un
train-fantôme qui, tant qu’on n’y a pas été nous
effraie, et une fois essayé ne nous laisse plus
qu’une envie : celle d’y retourner !
Alice
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