Badly
Drawn Boy - one plus one is one
XL/Beggars
group - 2004
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« Je redeviens celui que j’étais » :
un disque ne démarre pas innocemment sur une telle
phrase. A croire que Badly Drawn Boy avait besoin
de revenir aux sources suite à ses pérégrinations états-uniennes.
Un petit résumé des épisodes précédents peut-être ?
BDB, aka Damon Gough, sa garde-robe d’éternel
RMIste, ses cheveux gras dont le taux de sébum doit
dangereusement dépasser la limite réglementaire, sa
barbe de 3 semaines, son couvre-chef tricoté par Mémé,
sa dégaine d’ours un peu ahuri : sympathie et
adhésion immédiate. Cerise sur le gâteau (ou pompon
sur le bonnet de laine en l’occurrence), une
remarquable discographie de songwriter pop dilettante :
The Hour of Bewilderbeast ou Mon bonnet, mon
4-pistes et moi, album de la révélation ;
About a Boy ou Mon bonnet et moi à Hollywood, BO de film soyeuse prouvant qu’il n’était pas qu’un
songwriter de bric et de broc ; un recueil de
chansons un peu nouveau riche enfin, Have You Fed the
Fish ? ou Mon bonnet se la pète à LA,
très plaisant mais trop produit.
Sentant peut-être que ce dernier chapitre l’avait un
peu éloigné de sa nature profonde (les paroles étaient
d’ailleurs centrées sur la culpabilité qu’il
pouvait ressentir à jouer son rôle de rock-star en
laissant femme et enfants à la maison), Badly Drawn
Boy revient à la simplicité de ses premiers
enregistrements : back to Manchester donc, à sa
petite famille, à un huis-clos dans un petit studio
avec son compère de toujours, Andy Votel
(co-fondateur en sa compagnie du label Twisted Nerve).
Et à celui qu’il était.
Inutile de pinailler, le résultat dépasse toutes les
espérances. Pas parce que Damon soigne moins les
détails, qu’il offre un son beaucoup moins apprêté
que sur son dernier album mais parce qu’il est tout
simplement au sommet de son talent de songwriter. Avec
lui, et c’était déjà le cas sur The Hour of
Bewilderbeast, la spontanéité, le
quasi-amateurisme qu’il privilégie naturellement dans
la prise de son, n’est absolument pas synonyme de
minimalisme ou de paupérisme. Au contraire même, et One
Plus One Is One est sans doute son album le plus
luxuriant : du piano, énormément, partout, des flûtes,
beaucoup également, du glockenspiel, des cordes,
s’ajoutent à sa proverbiale guitare acoustique pour
enluminer ses mélodies humbles et touchantes.
Rarement aura-t-on entendu ses dernières années des
chansons irradiant une telle pureté, une telle beauté
tout simplement, qui vont droit au cœur et se passent
de tout commentaire analytique : les Flaming
Lips ou Grandaddy dans un registre différent,
s’élèvent (et nous élèvent) par la grâce d’un
refrain, d’une mélodie. Elliott Smith surtout,
duquel il n’a jamais paru aussi proche… Mais alors
un Elliott Smith souriant et pas accablé par une
dépression inexorable. Comme lui, Damon Gough émeut,
profondément, durablement, c’est aussi simple que
cela. Qui osera prétendre ne pas être parcouru de
frissons lors des 2 explosions pop déclenchées par le
chœur d’enfants sur Year of the Rat et Holy
Grail ? Qui soutiendra qu’il n’est pas
transporté par le refrain euphorique de Four Leaf
Clover ? Qui ne se sentira pas tout chose en
entendant les arpèges acoustiques et les mots de réconfort
de Life Turned Upside Down ?
Narrant l’amour qui faiblit mais qui ne veut pas se
rendre à l’aide de mots qui dans la bouche qu’un
autre que lui nous vaudraient peut-être quelques
sourires amusés, il n’a jamais été aussi tendre et
généreux. Penseur ("panseur") des relations
conjugales modernes et universelles (que faire
lorsqu’on a l’impression que la flamme s’éteint
inexorablement ?), il répond par un optimisme
forcené mais jamais naïf : c’est là que les
partis pris de production allant vers plus de spontanéité,
de simplicité, se révèlent ô combien payants puisque
l’impression de proximité est véritablement
frappante.
En
un mot comme en 636 : cet album est une bénédiction.
Laurent
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