Ween
- Québec
Sanctuary/BMG
- 2003
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Leurs disques potaches et
leur humour bazooka faisant passer les frères Farrelly
pour Jean Amadou, les faux frangins Gene
et Dean Ween (en réalité Aaron
Freeman et Mickey Melchiondo) ont réussi à
convaincre tout le monde qu’ils n’étaient
finalement là que pour amuser la galerie de leurs
grosses blagues salaces politiquement ET musicalement
incorrectes.
Sauf qu’il y a toujours eu en eux de vrais amoureux de
musique et des songwriters consciencieux. Peu s’en
sont rendus compte : Beck ou les Daft
Punk par exemple font néanmoins partie des
inconditionnels. Chocolate and Cheese, leur album
le plus réputé à ce jour, recèle pourtant de véritables
petites perles pop derrière l’apparence d’un
tonitruant éclat de rire : l’art du pastiche,
dans lequel ils excellent (funk, hard, folk, rap, tout y
passe), ne souffre pas d’approximation, et ça ils
l’ont bien compris.
De même, si leur album country (l’inénarrable
12 Country Greats) était avant tout un gros
« fuck » balancé à la face de Nashville la
conservatrice, on y sentait en permanence l’amour de Ween
pour le genre.
The Mollusk, album un peu bancal voire laid (pas étonnant
avec un titre pareil), laissait déjà entrevoir que nos
deux clowns du New-Jersey n’avaient qu’une envie :
celle de tomber le masque du guignol et de gagner,
enfin, un minimum de respect.
Il y a 2 ans donc, l’accident, l’erreur de parcours
dans la carrière de ce groupe au pedigree hasardeux :
avec White Pepper, Ween livrait un grand
disque de pop, mélodique, chiadé, emballant. Pire même,
ils se fendaient de quelques compositions à tonalité
country-folk des plus émouvantes. Pas de second degré,
pas d’humour gras (enfin… presque), un vrai bon
disque, qui allait marquer un tournant dans la carrière
du groupe.
Ainsi ne semble-t-il plus aujourd’hui réticent à se
livrer dans des compositions classiques au parfum un peu
rétro : charmant I don’t want you, Tried
and True ou le curieusement lourd mais addictif Transdermal
Celebration, proche de Queens of the Stone Age.
Mais on ne se refait pas, et Ween gratifie ses
fans hardcore de ces dérapages incontrôlés dont eux
seuls ont le secret.
Il y a d’abord cette pochette absolument hideuse
qu’on imagine choisie avec une délectation perverse
par les 2 compères. Puis ce démarrage pied au
plancher, digne du Mötorhead le plus graisseux,
et aux paroles propres à faire rougir Lemmy en
personne: « you bring the razorblade, I bring the
speed, take off your coat, it’s gonna be a long night,
it’s gonna be a gang fight, it’s gonna be a gang
bang !! ». Il y a enfin ces petits morceaux
complètement chtarbés, sortes de comptines déréglées
pour enfants prématurément débauchés, habillées de
bruitages non identifiés souvent irrésistibles et aux
vocaux régulièrement hilarants (Happy Colored
Marbles, The Fucked Jam, So Many People in
the Neighbourhood etc.).
Ce mélange entre morceaux « sérieux » et
grosse déconnade rend ainsi Quebec touchant. Ces
clowns là assument leur statut car ils savent bien
qu’on ne les prendra jamais complètement pour ce
qu’ils sont et ont toujours été : de talentueux
musiciens qui ont pour seul défaut de vouloir
s’amuser plus que de raison.
Laurent
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