Califone
- Quicksand/Cradlesnakes
Thrill
Jockey - 2003
Dans mon monde imaginaire, la foule adule Califone. Dans mon monde imaginaire, Nolwenn
Leroy casse la baraque en clone de Siouxsie
et Jean-Pascal est connu pour ses sets de DJ phénoménaux.
Dans ce monde imaginaire, Sonic Youth règne en
maître sur le top 50 où les deux stars sus-cités
cartonnent depuis des semaines. M83 cite My
bloody valentine en interview, et même ma grand-mère
sait de qui ils parlent.
Mais le monde de la musique n’est pas un monde de rêve.
Nolwenn beugle un « cassé »
criard et sans saveur, Jean Pascal est un
agitateur de pacotille et Califone reste inconnu
du grand public. Dommage. Ils mériteraient de dominer.
Ils sont jeunes et encore suffisamment
beaux. Ils viennent de Chicago et font du bon vieux
rock. Bon vieux rock ? Non plutôt de l’électro
camouflée. A moins que ce ne soit du post-rock soft. Ou
du krautrock de jeunes … Califone, groupe au
nom emprunté à un outil pédagogie pour enseignants férus
d’audio, nous livre son second album OVNI. A
l’instar des motivations étonnantes qui président à
la dénomination du groupe, avec ce second album il
coincent aussi le chroniqueur dans la pire des
situations : ne pas savoir quoi en dire. Ou comment
le dire. C’est bel et bien une gageure de chroniquer Quicksand/Cradlesnake. Tant on y trouve tout et son contraire. Essayons.
Califone pratique le rock à guitares grasses
et lo-fi. Très souvent, on se demande si les enceintes
n’ont pas un léger problème de grésillement, comme
du temps des bonnes vieilles cassettes magnétiques un
peu usées. Nostalgie ? Non, car à ceux qui
chercheraient un clone de John Spencer ou des
disciples de Graham Coxon dans Califone, seraient
encore loin de la vérité. Il y a bien de ce terreau
folk américain dans Quicksand, mais l’enchaînement
des petites scènes que constituent les plages du disque
font qu’on se croirait parfois en pleine évasion dans
ces éthers bruitistes et cinématographiques du
post-rock britannique. Pourtant on est encore loin de Mogwai
et autres Godspeed. Certains beats, loops,
cuts, replays se rappellent soudain à notre bon
souvenir, et on imagine aussi un Arca électro
qui aurait soudain décidé de traverser
l’Atlantique. Mais as-t-on vu ailleurs banjos,
violons, mandolines voler la vedette hypnotique aux
riffs de guitares et des horizons à la limite du larsen ?
Chez Aphex Twin peut être ? As-t-on vu
ailleurs une mandoline star ?
En parlant de grand foutoir foutraque, a-t-on
entendu ailleurs que chez Sonic Youth des
chansons partir ainsi dans de multiples directions ?
Des morceaux ne commencent pas là où on les attend,
avec leurs fausses entrées… puis dérapent en d’étranges
digressions sonores avant de nous manipuler en de fausses sorties qui nous rattrapent d’un doigt avant de
nous jeter dans la prochaine piste du disque ? On
croit la chanson âpre et sûre en bouche, paf ! On
retrouve un piano caressant et édulcoré qui nous récupère
la main. On enrage, mais on est progressivement conquis.
Plus les chansons s’enchaînent, plus on est séduit,
en même temps qu’on est perdu dans le monde de la
musique et qu’on décide d’abandonner à jamais la
critique musicale. On cherche les influences multiples.
On les a sur le bout de la langue, mais on ne parvient
jamais à remettre un nom sur une sonorité, un toucher
ou un grattouillis.
Puis on se rend compte que Califone est
entièrement neuf.
Califone c’est une compilation maligne et
intelligente de 50 ans de musique concentrée en un
album Mata Hari qui se dénude sans s’offrir et
qui s’offre quand on ne le demande pas. A déguster
sans modération, c’est meilleur à chaque écoute !
Denis
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