Martina
Topley Bird - Quixotic
1/2
sony
- 2003
Tout chaud, très « hype », voici un album qui
déferle dans la presse spécialisée à coups de
pleines pages, d’articles louangeurs et de
photographies présentant le meilleur jour de la muse de
Bristol. Car Martina, avant d’être une artiste
autonome, c’est avant tout la voix des premiers albums
du ténébreux Tricky, enfant terrible du
trip-hop outre-Manche. Et sans trop savoir pourquoi, le
sieur entretient avec la presse francophone une relation
qui va bien au delà du seul plan musical : quelque
part entre admiration et terreur glauque, forcément
attractive. Alors, à l’annonce de la sortie de
l’album de Martina, sur lequel se sont penchés
respectivement Tricky et David Holmes ;
la presse unanime y va de son apologie de la chanteuse
et mère de Maisey, née de son union avec Tricky.
Finalement, on s’égare, loin des plages du disque
publié…
C’est donc vierge d’à priori
musical que nous avons lancé la lecture du CD. Intro
nous accueille avec son blues chaleureux, charmant
rappel des Supremes ou de la BO de O’Brother.
On a un léger doute. Martina nous aurait-elle
tous roulés ? Se serait-elle échappée du
trip-hop où on l’attendait, pour lorgner vers
d’autres contrées ? Les guitares énergiques de Mark
Lanegan et Josh Homme de Queen of the
Stone Age, samplées pour Need one, mettent
fin au doute. Très vite rejointes par la voix de Topley
Bird, elles offrent au titre une coloration qu’on
a pris l’habitude de reconnaître comme la marque de
fabrique du trip-rock bristolien. La chanteuse ne prend
pas le chemin de la surprise. Le titre nous emmène dans
une lutte au K.O., rock féminin teinté d’électro, réussi
bien que rappel énorme des derniers essais de Neneh
Cherry mâtinés de son « à la Tricky ».
Anything est construit sur une boucle inversée
et un arpège de guitare aérien, « petit
dictionnaire de
l’électro illustré », où la voix de Martina
se tord en un clone de
Nicolette. Un poil trop scolaire pour être
vraiment alléchant. Soul food s’aventure sur
les terres du blues. Un tambourin y sert de rythmique à
une guitare en pleurs, tandis qu’un violon en gimmick
s’offre en écrin à la voix de Martina,
soutenue par un chœur malheureusement dépourvu d’âme.
Lullaby lorgne du côté du jazz façon Nouvelle
Orléans. La vocaliste y murmure une berceuse efficace,
tout en aiguës et caresses apaisantes, assise sur un
rocking chair disposé face à une rivière imaginaire.
Un métronome/horloge suggère pourtant que le temps
continue de couler, insensible au chant de la sirène. To
tough to die lui fait suite, et les amateurs y
reconnaîtront sans difficulté la patte de David
Holmes. Une batterie filtrée, un orgue « façon
Bontempi » et un slide de guitare qui renvoient
l’auditeur à certains titres de Bow
down… de Holmes –malheureusement
pas le plus réussi de ses ouvrages à ce jour. La
chanteuse y dispense, avec un flow haché, une
tranche de vie très sombre et fondamentalement triste. Sandpaper
kisses surprend par le choix de la harpe pour le
loop et sa rythmique en « brouhaha » filtré.
On se remémore le poems du projet Nearly God où
Martina officiait pour le compte du père de sa
fille. Le ragga en arrière plan du titre
éponyme, rappelle la bonne vieille énergie de
l’album Maxinquaye du même auteur. Pour
peu on croirait que rien n’a changé sous
le soleil et que les deux compères nous livrent
ici leur nouvel essai commun. Lying est une
ballade langoureuse presque marquée de l’estampille
country music, évoquée par des nappes de pianos et de
trompettes soutenues par une batterie somnolente. La
miss y repose des cordes vocales qui tâtaient des
sonorités plus hautes depuis quelques titres. I want
to be there est un abécédaire du rock samplé
servi par une basse en roue libre. La voix de la
chanteuse y reste dans les graves, le temps de nous
prouver qu’elle est aussi capable de se frotter à cet
exercice, et produire l’équivalent électronique de
la vague garage rock qui déferle sur le vieux continent
après une renaissance New-Yorkaise. Ca sent l’assaut
de charts. Ensuite, c’est du bout d’un tunnel sans
lumière que Martina nous appelle sur I still
free ; perdue derrière un mur d’infra basses
et de percussions mutines. On hésite à aller la
rejoindre. Et ce ne sont pas les langoureux mais fades Ilya
et Stevie’s, bien trop propres sur eux pour ne
pas cacher quelque vilenie, qui nous engageront à aller
la retrouver: ils évoquent sans les égaler les essais
réussis des premiers album de
Morcheeba ou Dubstar.
Le Cd s’arrête et on se demande ce
qu’il nous en reste sauf un sale goût de déception.
Le genre de sensations qui nous prend quand on essaie un
vêtement convoité dont il faut, à regret, reconnaître
qu’il ne convient pas à notre corpulence, quand
survient le verdict du miroir de la cabine d’essayage.
L’ouvrage est attirant, les auteurs respectables.
Pourtant, si on se réfère à la la track-list de
l’album, on est bien forcé d’admettre qu’à
l’exception de Need one, Lullaby ou Ragga
efficaces à défaut d’être originaux, on a écouté
un disque en forme de « moyenne » de tout ce
qu’on a déjà eu l’occasion d’entendre chez
d’autres, la surprise et
la prise de risque en moins.
Un bon disque pour les discothèques bobo types, à ranger
à côté de la pop de Travis, du rock de Muse
ou de la chanson française de Carla Bruni… Bien
sous tous rapports, mais sans la moindre once de cette
folie qu’on espérait de la belle.
Denis
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