My
Jazzy Child - Sada soul
Clapping
Music/chronowax
- 2003
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Véritable
gageure que de débuter une chronique
de Sada soul. Comme chacun sait le
chroniqueur musical aime classer, catégoriser, ranger,
stratifier, organiser, ses papillons musicaux en albums
de collections, genres, sous-genres et nouvelles
variantes. Le disque du parisien Damien Mingus aka
My Jazzy Child oblige à retourner potasser ses définitions.
Parce qu’il y a beaucoup de genres, dans Sada soul ;
tous mélangés en 11 titres emballés en moins de
40 minutes.
Un
disque qui surprend par son côté expérimental.
Le chroniqueur, pourtant guère rassuré, prend son
billet pour Sada soul.
La
clarinette de whatever you do, résolument tournée
vers le jazz ou le free des 70’s renverse nos belles
illusions. Paumé.
On a sauté en marche dans le train qui passait,
mais sans trop savoir où il nous emmène. Impression
confirmée avec Emiliano carnaval aux consonances
latines. Le phrasé yaourt y lorgne vers les meilleurs
moments du dernier Blur. Tandis que les rythmes
sautillants font penser à Matthieu Boogaerts. On
se met à redouter la destination finale du convoi à
bord du quel on a grimpé. Sada soul (la chanson
titulaire) est hypnotique,
servie par l’orgue, l’arpège de guitare, les crics
- cracs de l’intelligent techno. Un
leitmotive : finally I got to sing
semble s’excuser pour l’auteur… Efficace.
Le contrôleur de billets a un air patibulaire…
Les wagons s’emballent et morfler
repousse les limites physiques de la résistance de
l’auditeur. A cheval entre rock balourd et Manu le
Malin : un loop ferroviaire recouvre de
nouveaux crics-cracs
sous speed, et une guitare sursaturée assure la partie
rythmique. Une voix annonce qu’on va morfler.
C’est le cas de le dire…
On avance avec bonheur jusqu’ à Shame on
you, I love you. Une ritournelle de guitare loopée,
comme au bon vieux temps des pédales d’effets y sert
de lit à un chœur susurrant qu’il y a une espèce de
honte à aimer (cette plage?). Un violon est monté à
l’envers dans cette anti-ballade amoureuse triste. Le
bonheur n’est pas au rendez-vous du paysage que le
voyageur traverse. Un rire mécanique et samplé clôt
la ritournelle bancale. Le chœur repasse dans l’allée.
Il se fait essaim d’insectes à l’attaque,
en ouverture de Barcelona. On ne savait
pas que ça faisait si peur Barcelone. Une voix
se détache, murmurante, différents effets rejoignent
la nuée vocale. Des
chants d’enfants et un glockenspiel accentuent
l’atmosphère mauvais rêve qui entoure la
plage 6 du disque. On est lâché quelque part entre les
Griffes de la nuit et Aphex Twin. Comme
d’un train fantôme où on soupçonne avoir mis les
pieds, on sort de cette scène avec soulagement…pour
retrouver Teenage Fanclub et High Llamas qui se
donnent rendez-vous entre arpège et clavier de la
ballade mélancolique Not too hard. Un petit
rayon de soleil, un rai au travers des nuages et de la
chape de plomb qui pesait jusque là sur nos épaules.
Les présages de lumières s’amenuisent pourtant dès
l’ouverture de Lov Icon. Voix et accordéon
semblent prêts à pleurer, lancinante douleur mélancolique…
qui débouche sur l’orgue et les clochettes neurasthéniques
de V&V. On s’y croirait pris en plein final
d’oraison funèbre, face au fils de la famille qui
perd la raison à
la mort de ses proches. Après ce requiem, on avance
encore. Electrique hésite entre sample façon Edward
aux mains d’argent, piano en mode clavecin et
litanie murmurée à la façon des groupes sérieux à
la française. Encre n’est pas loin. Est-on
dans le rêve érotique de quelques fiancée de Dracula ?
Erotisme glacial et presque morbide? Pas le temps de
vraiment se poser la question :
Twice upon a time assène d’emblée ses
coups (de grâce ?), syncopés, samplés,
arythmiques, comme un cœur pris de crépitements.
Surgit une basse roulante comme un micro-ondes en
fonction, puis un cor dans la brume et du vent qui fait
battre de nouvelles clochettes. Plus le morceau avance,
et plus la basse creuse profond le sillon d’une
certaine torpeur… des bruits de pas, un sifflement,
une voiture qui passe… Le train de la peur
est revenu à son point de départ, dans une fête
foraine désertée. L’esprit hésite entre peur et
retour bienheureux à la vie, à la ville.
Dubitatif,
on reprend son rôle de chroniqueur déboussolé. On se
rend compte qu’il y a un cerveau, derrière ce disque
kaleïdoscope, construit comme autant de vignettes à
coller dans un livre édité par Mingus. Des
vignettes faites d’instruments vrais, enregistrés en
conditions réelles, puis retravaillées derrière
l’ordinateur de My jazzy child. Un cerveau qui
calcule les effets mélancoliques ou réjouis, un
cerveau qui essaie de sublimer l’impression de
collage, de production au rabais, visiblement comprises
comme une démarche artistique.
Et
c’est sans doute parce que c’est un cerveau et non
un cœur qui conduit cet opus, qu’il manque ce
fifrelin d’émotion, cette tension perceptible, cette
vie, qui aurait envoyé l’auditeur crier au génie.
Il ne reste qu’une amère déception et la
mention « peut mieux faire ».
Denis
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