musique

Sharko - 3   

Bang!/Discograph - 2004

 

 

 

    Une des seules qualités qu’on reconnaissait jusque là à David Bartholomé et à son projet Sharko, c’était d’être un des, si pas le premier, groupe de Belgique francophone à accéder à la production et à la distribution par un « vrai » label, à une époque où seul Deus et avec lui l’ensemble de la scène néerlandophone, semblait alors capable de porter les couleurs nationales au delà des frontières.

 

    De Feuded, premier opus, on a tout oublié ou presque, quant à Meeuws 2, second album, on se le rappelle comme d’une certaine déception : Bartholomé y assénait une série de chansons fades et sans relief, chantées d’une voix qui laissait apparaître des inflexions du plus mauvais effet Stingien. On s’était complètement désintéressé de la formation; d’autant plus vite que la heavy rotation semblait être venue à bout de l’efficacité du single  I went down. Sans en attendre grand chose, nous avons donc lancé III sur le lecteur. Et la surprise n’en fut que meilleure.

 

    On retrouve dans ce disque l’esprit, les mélodies et les papalapaps chers au brighten de corners de Pavement (Ripoff, Sing LA, YMCO), mais aussi quelque chose des aventures Gorillaziennes de Damon Albarn (Luv Mix).  Et puis, quand Bartholomé maîtrise sa voix singulière, il parvient à la discipliner au service  d’inflexions glam (bowiennes ?) pour les chairs à single que sont Excellent (I’m Special), joyau rétro, lo-fi et glam ou encore President et King Fu très Policé mais sans aucun des tics solo du frontman multimillionnaire.

Poussant la déstructuration pop-rock plus loin encore, certains titres bidouillés vont même jusqu’à rappeler les longues plages (voix sur répondeur, beuf entre amis, humour de l’intro) du « the Wall » d’un Pink Floyd plus très expérimental, mais populairement à son apogée. Plages éthérées et pop donc,  à l’instar des  morceaux  Les Eagles ou  Stuck T et dans une moindre mesure Car was (franchement deus-ien aux coutures).  

 

    Maturité. C’est le mot qui vient immédiatement à l’esprit. Sagesse et richesse mélodique, détonant avec le passif du groupe. Attention. l’album est pourtant tout en décalage avec le format  couplet-pont-refrain traditionnel, mais constamment de manière subtile, légère, assumant sa proximité avec la « grande » histoire de la musique populaire, sans pouvoir s’y rattacher jamais totalement (Est-ce la la trace de la belgitude chère aux journalistes français ?). Chaque plage est en fait une grande entreprise de déconstruction des schémas établis, évocatrice certes, mais toujours légèrement désaxée.

 

    A l’addition un album qui nous fait revoir à la hausse le jugement que nous portions sur Sharko. 14 pépites mélodiques dans un écrin de production qui devraient briser toutes les portes. Reste à savoir si l’album aura ce petit supplément d’âme et suffisamment de personnalité pour briller longtemps au panthéon des disques qui comptent. En attendant… un vrai régal aux portes des estivales saisons 2004.

 

Denis