Eels
- Shootenanny
1/2
Universal
- 2003
S’il y a bien un acteur hors norme de la scène
musicale actuelle, c’est bien Eels. Que ce soit
sur Beautiful Freak, Electro-Shock-Blues, Daisies
of The Galaxy ou Souljacker, Eels est
toujours dans le ton, souvent incisif, rarement à côté
de son sujet.
Avec Shootenanny,
nouvel opus qui sort ces jours-ci, Eels garde la
même ligne de conduite : écrire des textes
parfois drôles, souvent ironique, rarement joyeux, et
les mettre en musique sur un son rock (voire pop),
simple mais efficace. Et il y réussit.
Tantôt joyeux, tantôt funeste, l’album accompagne
d’auditeur dans une balade avec une fille à la bouche
sale (Dirty Girl), un « loup solitaire »
(Lone Wolf) et un homme accusé de violenter sa
femme (Restraining Order Blues)..
Comme
de coutume avec Eels, on retrouve sur cet album
les petites perles tristes et noires qui parcourent et
alimentent chaque nouvelle sortie discographique de
l’artiste. Et même si l’on n’atteint pas la
noirceur de Electro-Shock-Blues, album tourmenté
s’il en est, on en ressort tout de même ému et ébranlé.
Pour Shootenanny, c’est le très beau Restraining
Order Blues, qui répond à la demande. Une balade
magnifique, très bluesy comme l’indique son titre,
avec guitare électrique et batterie (discrète), le
tout ponctué par quelques notes de violons du meilleur
effet.
Agony joue dans la même catégorie, avec ses
petits riffs de guitares, ses sons distordus, ses
couches de violons parfaitement positionnés, le tout
sur un texte sombre à souhait.
Et
puis il y a Fashion Awards, petite merveille de
douceur et de calme, où E se prend pour Mark Linkous,
à murmurer, sur un rythmique simple mais efficace « We’ll
blow off our heads in despair ». Un petit
bijou.
N’allez toutefois pas croire que ce Shootenanny est
une ode à la mélancolie ou au suicide. Non, point du
tout. Le reste de l’album est beaucoup plus vivant,
beaucoup plus entraînant, beaucoup plus enthousiasmant.
Ce de Dirty Girl (qui pourrait être un single de
très haute tenue), à Saturday Morning (et sa
guitare d’une efficacité rare), en passant par Lone
Wolf (morceau très blues) ou Rock Hard Times
(au son pop-rock et au refrain entraînant et chantant).
Certains
trouveront sans doute, à l’écoute de ce Shootenanny,
que l’œuvre de Eels ne gagne rien à compter
un album de plus comme celui-ci. Bien au contraire leur
répondra l’auteur de ces lignes : Eels prouve
une nouvelle fois sa capacité à concilier morceaux pop
et chansons mélancoliques de haute tenue. Ce n’est
bien évidemment pas le seul à le faire. Mais à le
faire si bien, ils ne sont pas nombreux.
Olivier
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