musique

Sigur Rós - Takk

EMI

[4.0]

 

 

    Il y a deux mouvances antagonistes dans les fans du groupe. Ceux qui attendent de Sigur Rós qu’ils développent lentement un concept : laissant l’idée vaporeuse se dérouler lentement, s’ébrouer et s’étirer, jouant au chat et à la souris avec les émotions, à coup de voix angélique, de sons cloches bien sentis et de résonances. Un groupe « pensif » qui avance une théorie musicale appropriée pour produire une musique hautement intense, déambulant quelque part dans un tunnel sombre, à mille kilomètres au dessus de nos têtes, sorte de démonstration de la philosophie technique construite par le groupe.

 

    Puis il y a tout une frange d’amateurs qui sont restés scotchés (dont votre serviteur) par l’immédiateté, le sang neuf, qui caractérisait Agaetis Byrjun ou la capacité à produire un mélange de rock, et d’électronique éthérée mais énergique, avec une facilité et une efficacité qui tenait de l’évidence. Un bouillonnement novateur qui faisait de Sigur Rós aussi, après Ok computer et Radiohead le dernier groupe rock innovant du 20 e siècle.

 

    Les ultras de la première engeance risquent bien de bouder une grande partie de Takk, quatrième opus du groupe après la sonorisation d’un projet artistique. Ce dernier brille en effet par une condensation du propos (qui se traduit par un minutage resserré de l’album), par une apparente facilité de composition, Tout semble avoir été lancé sur bases de premier jet, sans ligne directrice particulière, sans mécanisation de la réflexion. Technique et bidouille venant embellir et « stratosphériser » l’idée initiale.

 

    Sigur Rós semble avoir décidé de s’absoudre de la pression et des attentes du public, des manifestes qui présidaient à leur musique. Le résultat est un album qui accorde une grande part à l’énergie du rock et à l’entrain communicatif du plaisir de jouer ensemble, de faire vivre le groupe et de l’emmener à explorer le terrain qu’ils ne faisaient qu’effleurer du temps du premier album. Et la réussite ne démérite pas face aux Mogwai et autres Godspeed qu’ils regardent dans le blanc des yeux, sans en avoir l’air, abordant l’univers de ces deux formations avec les colorations que le public connaît déjà de Sigur Rós.

Couleur Sigur Róssienne qui apparaît plus largement sur les quelques titres plus éthérés de l’album, non dénués du charme extatique et quasi liturgique qui fait le bonheur du premier type de fans. Des titres plus apaisés, où la mécanique de construction en spirale, qui se love, se fait plus récurrente, mais n’échappe pas à une certaine redondance avec ( ) album-étalon de la formation pour ce type de structure.

 

    Au final un album redoutable d’efficacité qu’on adore pour son rock réinventé, pour son immédiateté, son enthousiasme, pour l’énergie rappelant Agaetis Byrjun, pour le plaisir retrouvé des musiciens qui jouent ensemble, pour la capacité à faire cohabiter les cotonneuses atmosphères avec l’âpreté du rock à guitares, pour cette voix angélique qui monte haut si haut et qu’on retrouve à chaque album avec un plaisir non feint sans encore de lassitude, pour les bidouillages qui soutiennent les titres les plus calmes qui rappellent et font le lien avec les opus précédents, pour l’ambiance si personnelle qui se dégage de l’ensemble et l’apparente facilité que le groupe a à se réinventer groupe de rock tout en restant le Sigur Rós qui a vendu 600 000 exemplaires de  ( ). Mais un album qu’on pourra détester aussi, en reprenant exactement les mêmes raisons.

 

Denis Verloes

 

Tracklist

01. Takk..
02. Glósóli
03. Hoppípolla
04. Meo Blódnasir
05. Lest
06. Saeglopur
07. Milanó
08. Gong
09. Andvari
10. Svo Hljótt
11. Heysátan

 

Durée : 60'

Date de sortie : 12 septembre 2005

 

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